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Angle de réflexion

Les compositions en noir et blanc de Chema Madoz, autour d’objets banals ou familiers qu’il crée, recueille, détourne ou transforme dans son atelier, déploient un monde imaginaire qui interroge notre sens de la perception. D’une indiscutable force poétique, son travail, souvent teinté d’ironie, est aussi marqué par une profondeur grave et méditative.

Information

Présentation
Chema Madoz
Angle de réflexion

Le photographe espagnol Chema Madoz occupe depuis trente ans une place particulière sur la scène artistique internationale. Son œuvre tout à fait singulière ne se rattache à aucun courant même si on a souvent cité à son propos une influence du mouvement surréaliste. D’une extrême rigueur graphique, ses compositions en noir et blanc, autour d’objets banals ou familiers qu’il crée, recueille, détourne ou transforme dans son atelier, déploient un monde imaginaire qui interroge radicalement notre sens de la perception.

Par un jeu subtil de métamorphoses, d’associations, de métonymies ou d’analogies symboliques, Chema Madoz provoque chez le spectateur une forme rare de dérèglement des perspectives visuelles et mentales. Car ce n’est pas seulement à une transformation des objets — ou des éléments — à laquelle le photographe nous convie, mais à leur mutation en idées pures susceptibles de contenir d’autres visions et d’autres lectures du monde qui nous entoure. Revisitant l’affirmation célèbre de Magritte «Ceci n’est pas une pipe», Madoz suggère que cette pipe est peut-être un pipeau ou une flûte, que notre regard, enfermé dans son conditionnement social et utilitariste, nous empêche de voir ou de deviner des univers qui échappent à toute rationalité fonctionnelle.

Si l’illusion ou le faux-semblant sont au cœur du travail de l’artiste – dont les images ne sont le fruit d’aucune manipulation —, il se comprend que cette attirance pour la mise en abyme de la réalité tangible est au premier chef une manière de questionner la nature même de la photographie et de son régime convenu de représentation du réel. Pour Chema Madoz, vrai et faux ne sont pas des oppositions binaires mais des combinaisons relatives et fluctuantes capables de faire naître d’autres formes, d’autres univers perceptifs. D’une indiscutable force poétique, l’art de Chema Madoz, souvent teinté d’ironie ou d’humour, est aussi marqué par une profondeur grave et méditative qui construit au fil de son développement les prolégomènes d’une métaphysique du regard.

Avec les textes de Duane Michals, Christian Caujolle, Estrella de Diego, Olivia María de Rubio et Alberto Anaut.

«Chema Madoz travaille avec les objets et se mesure à eux de différentes façons: il découvre sans les altérer, les manipule, les invente et les élabore lui-même dans son studio. Toujours aux prises avec eux, il les métamorphose, détecte leurs combinaisons possibles, leurs relations souterraines, explorant les pièges de la vision. Parfois, le photographe sillonne le marché aux puces de Madrid, cherchant quelque chose qu’il ne trouve jamais, et il tombe sur une pièce qui peut déboucher sur un résultat, mais ce n’est pas toujours le cas, et il la laisse de côté en admettant qu’il s’agissait d’une fausse intuition, l’idée viendra peut-être plus tard. Il se peut que l’illumination naisse de la contemplation d’un objet. Ce fut le cas, par exemple, avec la balance qui se trouvait dans un conteneur d’ordures. Les images peuvent aussi surgir d’une sensation ou d’une émotion, d’un sentiment qu’il essaie de définir à travers l’image. C’est le cas des gouttes qui dessinent un puzzle, image qui lui vient en remarquant sur le capot d’une voiture les gouttes perlées qui ne se mélangent pas, et qui pourtant font partie d’une unité plus vaste. Très vite apparaît l’idée de la partie et du tout. D’où le puzzle dont la réunion des pièces isolées constitue un ensemble. Ou encore, les images apparaissent en tentant de réduire ou de concentrer leurs éléments, ou plus simplement en cherchant les liens qui les unissent.

Il y a des objets qui ont en eux-mêmes une charge conceptuelle et une sémiotique forte, vers lesquels l’artiste s’est tourné plus d’une fois. Il s’agit par exemple des livres, en particuliers des livres anciens, reliés, qui ne contiennent pas de dessins, qui accusent le passage du temps et qui, dans une certaine mesure, se chargent de symboliser les autres livres, cette sorte de livre générique qui les inclurait tous. Leur magnétisme reposer sur la capacité qu’ils possèdent de réunir en eux-mêmes le pouvoir de raconter, de transmettre, de fabuler…»
Oliva Maria Rubio

Sommaire

— L’homme qui vit dans un miroir, par Duane Michals
— D’où vient la création, par Olivia Maria Rubio
— Images de l’intérieur, par Estrella de Diego
— Photographies. Expérimentation
— Photographies. Consolidation
— Chronologie, par Doménico Chiappe et Beatriz de las Heras
— Photographies. Maturité
— L’art de mettre en pièces les conventions, par Christian Caujolle
— Expositions & publications
— Biographies, par Francisco Carpio