DANSE | SPECTACLE

Winterreise

24 Sep - 27 Sep 2019

Avec Winterreise, le chorégraphe Angelin Preljocaj livre une pièce pour douze danseurs, à la lisière du ballet contemporain. Sur la musique mélancolique mais rythmée de Franz Schubert, dans une scénographie minimaliste et douce de Constance Guisset, Winterreise allie tristesse et élégance.

Avec Winterreise (2019) [Voyage d’hiver], le chorégraphe Angelin Preljocaj présente une pièce pour douze danseurs. Une pièce qui entrelace les époques et les genres. Et ce, en associant la musique éponyme de Franz Schubert, Winterreise (1827), à la scénographie de la designer contemporaine Constance Guisset. Partition pour piano et voix (poèmes de Wilhelm Müller), Die Winterreise (D. 911) se déploie en vingt-quatre lieder [chants], où la mélancolie enveloppe la marche désespérée d’un homme trahi par son aimée. Un voyage intérieur oscillant entre douleur et douceur, auquel Angelin Preljocaj donne des contours aussi actuels qu’atemporels. Commande de la Scala de Milan et coproduction de Montpellier Danse, Winterreise transforme la scène en espace hors du temps. La danse est ferme et virtuose, pour un ballet contemporain où la tristesse excelle dans la dignité et l’élégance. Voyage poétique au creux de la souffrance amoureuse, si tout est dévasté, il reste néanmoins la danse.

Winterreise d’Angelin Preljocaj : ballet contemporain et musique de Franz Schubert

Les confettis s’épandent sur la scène, comme la neige silencieuse une nuit d’hiver. Une danseuse agite des balises lumineuses à bout de bras, comme les agents sur les pistes aéroportuaires. Des sphères descendent lentement sur scène, comme autant de lunes décrochées pour rien. La pièce Winterreise transporte les publics dans un espace à la fois universel et impersonnel. De ces lieux de transit aussi familiers que trop grands et vides, quand l’amour fait défaut. Mais ce double voyage schubertien, dans la désespérance amoureuse, puis dans le vide aboutissant au suicide, Angelin Preljocaj le peuple de présences tutélaires. La scène est vaste, mais les flocons amortissent l’absence. La musique est triste, mais la forme du lied est intimiste. Les présences du baryton basse Thomas Tatzl et du pianiste James Vaughan y sculptent l’air avec une puissance tenue. La lumière d’Éric Soyer est froide, mais elle compose un espace mouvant et enveloppant.

Une pièce pour douze danseurs, dans une scénographie de Constance Guisset

Tandis que la scénographie de Constance Guisset souligne une forme d’épure oscillant entre distance et douceur. Jouant sur les contrastes, Angelin Preljocaj livre ainsi une pièce rythmée et structurée, en dépit de sa lente progression vers la mort. Loin de la violence du jeune Werther de Johann Wolfgang von Goethe, le suicide du double (ou doppelgänger ?) du poète Wilhelm Müller se nimbe de lenteur, comme un film au ralenti. Lui-même décédé à trente-deux ans d’une crise cardiaque, sa poésie aura servi de trame à la musique de Franz Schubert ; trame librement déployée. Comme le note Angelin Preljocaj, le quatrième lied, Congélation, est « caractérisé par une impression d’immobilité ». Tandis que « la partition musicale exprime au contraire un dynamisme très fort ». Cette liberté de contraste, Angelin Preljocaj l’a gardée. Et malgré la plongée dans un pessimisme sans horizon, quelque chose demeure : une inaltérable beauté chorégraphique.

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