DANSE | SPECTACLE

Le Temps d’Aimer la Danse | 60

08 Sep - 08 Sep 2019

Pièce en forme de voyage dans la texture du temps, 60, du chorégraphe Amos Ben-Tal, conjugue virtuosité structurée et attention au présent pur. Soixante minutes d'intensité incarnée, portées par les danseurs des compagnies Off Projects et ICK Amsterdam.

Avec 60 (2019), le chorégraphe israélo-néerlandais Amos Ben-Tal (Cie Off Projects) livre une pièce pour une dizaine de danseurs. La moitié desquels étant de sa propre compagnie, Off Projects ; l’autre de l’ICK Amsterdam (International Choreographic Arts Centre). Une rencontre fluide, en somme, entre deux compagnies virtuoses. Pour une pièce en forme de voyage au sein du temps, de la perception du temps et de la durée. Entre construction sociale (convention) et expérience individuelle, le temps ne cesse de fasciner par son immatérialité et son caractère unidirectionnel. Avec 60, Amos Ben-Tal en déconstruit ainsi le concept et la perception. Et ce, à travers soixante minutes d’immobilité, de pression, de suspension, entre espoir, désir et exploration des structures temporelles. À l’aune d’une danse lovée dans une musique enveloppante, entre nappes vibrantes et pulsation rythmée. Comme autant de battements de cÅ“ur.

60 : à la croisée des compagnies (Off Projects, ICK Amsterdam, Batsheva, NDT)

Chorégraphe, pour 60 Amos Ben-Tal a également pris les rênes de la conception poétique et musicale. Battements réguliers sans être uniformes, rapides mais ordonnés : la composition sonore ne dissimule pas sa finitude. Il y a un début ; il y aura une fin. Et si la chose est verbalement banale, elle n’en donne pas moins un frisson singulier lorsque ressentie. Comme une trouée dans la circularité, 60 souligne ainsi l’unique. Une sensation qui se transmet notamment par l’attention (la tension) des danseurs, infiniment présents. Compagnie fondée en 2012 par Amos Ben-Tal, Off Projects réunit d’anciens danseurs du Nederlands Dans Theater, ainsi que du Batsheva Ensemble. Peut-être flotte-t-il ainsi dans 60 quelque chose de la méthode Gaga d’Ohad Naharin. Ancien directeur de la Batsheva, Ohad Naharin y a effectivement développé et enseigné une méthode où le présent fait la danse, construit le temps chorégraphique. Une virtuosité que cultivent tout autant les danseurs de l’ICK Amsterdam, plateforme chorégraphique fondée et dirigée par Emio Greco et Pieter C. Scholten.

60 d’Amos Ben-Tal : soixante minutes pour explorer la chair du temps

Pièce précise, ciselée, 60 tient le milieu entre ballet contemporain et danse contemporaine. Les gestes sont pointus, le déroulé est construit, le groupe est architecturé. Mais les singularités n’en sont pas pour autant gommées. L’imprévu, le présent, l’émotion du moment, le léger battement que l’un des danseurs peut percevoir chez un autre… Cette réalité aussi est incluse. Soulignant précisément l’ambivalence du temps, entre construction artificielle commune et expérience radicalement singulière. Ultime bastion échappant à la manipulation, Amos Ben-Tal s’en empare pour en explorer la texture. Livrant une plongée chorégraphique au plus près de l’ossature de l’expérience humaine. Dans ce que le philosophe Immanuel Kant appelait l’Esthétique Transcendantale. Soit la réunion de la perception du temps (succession, simultanéité…) et de l’espace (juxtaposition), comme conditionnant et déterminant tout. Pièce charnelle, vibrante, rythmée, 60 fera sa première française au festival Le Temps d’Aimer la Danse, à Biarritz.

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