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Aller/Retour 3

PNathalie Toulinat
@12 Jan 2008

Pour le troisième volet du cycle d’expositions «Aller/Retour» organisé par le Centre culturel suisse, la rétrospective de l’artiste suisse Roman Signer est mise en confrontation avec la pratique du jeune artiste japonais Jiro Nakayama. L’occasion est de mettre à nu certaines similitudes et d’éclairer une génération passée à la lumière d’une nouvelle. Reste à déceler les enjeux d’une telle confrontation.

Les actions et performances que présente Roman Signer dès la fin des années soixante dix ont été saluées au pavillon suisse de la 48e Biennale de Venise en 1999. Par de courtes séquences filmées, l’artiste expérimente comment un corps peut ou non résister aux lois de la nature, lorsqu’il est soumis à des phénomènes de pression et à la loi de la gravité. Une chaise est suspendue en l’air grâce à des ballons gonflés à l’hélium, mais si l’on perce les ballons, elle tombe. Un fil élastique est accroché à un sapin recouvert de neige; si on lâche le fil, la neige tombe. Deux séries de cinq performances de ce type sont présentées en cinéma super 8 et sont doublées de moniteurs diffusant une présentation des performances en langage allemand des sourds. Cette sélection, Installation vidéo (2006), jette un regard rétrospectif sur la production des années soixante-dix de l’artiste.

L’espace central de l’exposition accueille Kanal (2005), une sculpture en bois formant un canal carré où circulent des ballons contenant du sable, propulsés par des ventilateurs. Comme pour ses performances sur moniteurs, la fascination pour la mécanique stupide d’actions répétitives oblige à s’arrêter sur le rien et à croire à une narration possible. Dans l’écart entre l’attente d’une chute finale et le constat de l’infinie répétition se situe le processus de l’accident, central chez Signer.

Dans le fait d’attacher une fusée à son bras et d’allumer la mèche (autre exemple de performance diffusée sur moniteur), le phénomène de l’explosion se présente comme cet instant qui fait œuvre. Dans la sculpture Table fumeur (2005), une cigarette est placée dans un caisson en bois et dépasse de l’autre côté, où l’attend un bâton de dynamite. L’action à venir présentée dans ce dispositif s’attache à suspendre le temps, dans la manière dont notre attention pourrait être excitée: à quand la flamme qui permettrait hypothétiquement d’allumer la cigarette ou bien de tout faire exploser?

L’instant du risque devient le sujet du travail de Signer. Cette menace est clairement introduite avec le dispositif intitulé Zittern (2006). Une machine placée au rez-de-chaussée relie par un fil rouge un pommier au premier étage, qui menace de tomber. Mais le risque est rapidement démenti par la répétition du mouvement de va-et-vient de l’arbre tiré par le fil. Ce simulacre de la chute montre le caractère comique que de nombreux artistes de performances ont rapidement trouvé après avoir constaté que la maîtrise du corps aboutissait au ridicule. On est proche des introductions burlesques à la Chaplin.

L’invitation de Roman Signer à découvrir l’artiste japonais Jiro Nakayama renouvelle cette question de l’accident. Dans son travail Eau douce, Eau de mer (2005), composé de deux aquariums en forme de cube, dont l’un contient donc de l’eau douce et l’autre de l’eau salée, on est invité à déceler les différences de qualité de l’eau. A la fois proche du mutisme des performances de Signer et loin de ses explosions répétitives, la subtilité et les qualités du reflet de l’eau s’associent aux artifices de la mise en œuvre.
Il faut même tendre l’oreille avec Le Monde (2000-2001), dispositif radiophonique placé sur une étagère et laissant passer des ondes radios, pour entendre poindre l’événement qui va susciter l’intérêt.

Un doute plane sur le sens de la confrontation entre ces deux artistes.
L’importance du rien ou l’attention portée aux phénomènes physiques permettent de suivre la ligne de fond de la rencontre. Les deux artistes sont d’avis que la constante équivalence des mécanismes naturels provoque parfois des accidents et qu’en les décelant, une troisième voie se dessine.
Mais si Signer retransmet l’accident dans l’introspection du moniteur, Nakayama prend l’espace de l’exposition comme théâtre de l’événement à venir. Tous deux concluent différemment sur le fait que cette fameuse loi de la gravité provoque toujours la répétition du même.
L’image du carré circulaire s’associera pour certains à des idioties et pour d’autres, incarnera la mécanique du vivant, où chaque déflagration joue la création de sa propre fin.

Traducciòn española : Patricia Avena

Roman Signer
— Zittern, 2006. Sculpture, moteur, plante, ficelle. Dimensions variables.
— Kanal, 2005. Sculpture, bois, ballons, sable et ventilateurs. 4 x 4 m.
— Velo, 2006. Sculpture, vélo en pièces détachées, bidon en métal. Dim.: 60 cm x 90 cm.
— Table fumeur, 2005. Sculpture, table en bois, boîte en bois avec tuyau en aluminium, fusée, cigarette. 72 x 107 x 69 cm.
— Installation vidéo, 2006. 20 moniteurs, couleur et n/b (Technique: Videocompany)
— Bassin, 2006. Dvd, couleur, écran plasma.
— Tischchen, 1980. Film super 8 (extrait).
— Ballon unter eis, 1988. Film super 8 (extrait).

Jiro Nakayama
— Le Monde (détail), 2000-2001. Matériaux composites.
— Eau douce, eau de mer, 2005. Deux aquariums remplis d’eau.

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