ART | CRITIQUE

Allegories and Metaphors (1968-2012)

PFrançois Salmeron
@11 Déc 2012

Pionnier de l’art conceptuel dans les années 60, et professeur pendant près de trente ans à l’Institut d’art de San Franciso, Paul Kos a influencé plusieurs générations d’artistes. Cette rétrospective propose de redécouvrir quelques unes de ses œuvres les plus marquantes, s’articulant au travers des notions de paradoxe et d’équilibre.

La toute première œuvre de Paul Kos, le triptyque Lot’s Wife datant de 1969, représente une étrange colonne plantée au milieu d’un terrain où paissent quelques vaches. Cette installation est en fait une sculpture en sel que les bovins lèchent et qui se désagrège ainsi peu à peu, jusqu’à ce que plus rien n’en reste, si ce n’est une plaque de terrain cramée sur laquelle l’herbe ne repoussera pas, le sol étant imbibé d’iode.

Dès le départ, Paul Kos interroge donc l’usage que l’on peut faire de matériaux issus de notre quotidien, et cherche à voir en quoi ils changent, se métamorphosent, et créent finalement des situations uniques. L’artiste concède d’ailleurs à propos de sa démarche: «J’ai toujours été intrigué par les matériaux et la façon dont leurs caractéristiques intrinsèques renferment une certaine poésie. J’aime la poésie des matériaux —la façon dont la glace fond ou la façon dont un fromage se comporte, dont une chaise se comporte».

D’ailleurs, la vidéo Ice Makes Fire élabore une étonnante dialectique entre deux éléments naturels antinomiques, à savoir la glace et le feu. Paul Kos polit tout d’abord un bloc de glace en le faisant tournoyer sur un récipient métallique, puis il s’en empare et s’en sert pour réfléchir les rayons du soleil sur un petit amas de brindilles, qui ne tarde alors pas à s’embraser. Paradoxalement, la flamme s’avive grâce à la glace.

Une installation extrêmement ludique (Tunnel, 1995) dispose sur une table en bois un petit train électrique et une meule de fromage. A nouveau, Paul Kos sonde avec humour et créativité les possibilités de la matière. Le gruyère, criblé de trous par définition, est creusé de manière à former un tunnel dans lequel le wagon peut poursuivre sa voie.

A l’occasion de cette petite rétrospective, l’artiste propose également de redécouvrir quelques œuvres offrant un clin d’œil à la France. En effet, les trois photographies de la série Emboss ont été inspirées par un voyage à Paris en 1995. Paul Kos y avait visité une exposition à la galerie Jousse Seguin, mêlant mobilier et pièce d’art. Dans les files des musées, il y avait aussi aperçu des touristes en short, dont les cuisses étaient meurtries après de longs moments d’attente sur des chaises.
De même ici, le modèle de la série Emboss a les fesses, les cuisses ou le bas du dos marqués par la matière dont est composée la chaise (bois, paille, fer). Chaque matériau imprime ainsi sa propre marque sur le corps. Et le modèle, rappelant certains clichés noir et blanc de Man Ray des années 20 et 30, pose à côté d’un élément de mobilier.

L’hommage à la France se poursuit à travers la passion de l’artiste pour la pétanque. L’installation Diminuendo / Crescendo présente deux signes à la fois complémentaires et contradictoires. Le but est de glisser un cochonnet ou une boule de pétanque dans celle-ci. La boule disparaît alors, suit avec grand fracas un circuit, et ressort finalement en s’écrasant sur une cloche qu’elle fait bruyamment teinter.

La question de l’équilibre, enfin, est abordée avec originalité et poésie. Une scie suspendue au plafond oscille de gauche à droite, dont l’ombre mouvante est projetée sur le mur de la galerie par une lampe. I Saw the Light joue également sur les mots, le terme «saw» pouvant avoir le sens de scie, ou provenir du verbe «see» («voir»).

Equilibre IV
présente un balai sur lequel est placé un cintre. D’un côté nous trouvons une bougie, de l’autre une clochette. Le tout tient en équilibre, comme par magie! Mais si l’on allume la bougie, celle-ci va se consumer, perturber le contrepoids entre les éléments, et détruire finalement l’ordonnancement de l’installation.

A ces sons de cloche et de clochette répond une douce musique, avec la vidéo projection sur peinture Beethoven’s Piano Sonata #13. L’intérieur peint du piano sert de mur de projection à la vidéo, dans laquelle on aperçoit alors les cordes se mouvoir, activées par les touches de l’instrument. Il s’engage donc une dialectique entre l’immobilité de la toile et le mouvement propre au film.

Å’uvres
— Paul Kos, Diminuendo / Crescendo, 2011. Adhésif, boule en acier, bois, tuyau en pvc, cloche en bronze, oreiller. Dimensions variables
— Paul Kos, Emboss I, II et III, 1995. Photographies. 203,2 x 96,5 x 3,8 cm
— Paul Kos, Tunnel, 1995. Table en bois, fromage, train miniature et rails. 85 x 180 x 95 cm
— Paul Kos, Equilibre IV, 1992. Balai, cintre, bougie et clochette. 145 x 102 cm
— Paul Kos, Ice Makes Fire, 1974-2004. Vidéo couleur. 2 min 37
— Paul Kos, I Saw the Light, 2007. Scie, fourreau et ampoule. Dimensions variables
— Paul Kos, Beethoven’s Piano Sonata #13, 2009. Video projection sur peinture. 188 x 29 cm

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