ART | CRITIQUE

Ali Banisadr

Vernissage le 13 Fév 2010
PNicolas Villodre
@04 Mar 2010

Les tableaux du peintre iranien Ali Banisadr, peints à l’huile, sur toile ou sur bois, parfois accolés en diptyques, sont des paysages mentaux, imaginaires, en partie préconçus, dont le résultat surprend toujours les observateurs, à commencer par l’artiste lui-même.

Le soleil matinal que chante Robbie Williams traversait la verrière de la plus grande salle du rez-de-chaussée de la galerie Thaddaeus Ropac, révélant de façon éclatante les variations chromatiques de la très récente production du peintre iranien Ali Banisadr, notamment le tableau au bleu électrique accroché au fond de la pièce, le diptyque The Gatekeepers (Les Gardiens du temple).

On pressent d’emblée la cohérence du travail ou, si l’on préfère, le système, la manière, le style du peintre en découvrant ses tableaux datant pour la plupart de 2009 et, pour quelques-uns, de 2010.

On apprécie la variété des formats, l’étendue de la palette, la dialectique entre la forme et l’informe, le délibéré et l’indécidé, la figuration et la défiguration, voire, dans le cas limite de Black 3 (2009), l’abstraction totale, sourde, sombre, assumée, décomplexée, sans autre motif apparent que celui de la surface ou du support: la peinture nue, le texte libéré de tout prétexte.

On note les contradictions apparentes entre la simplicité monochromique et la ciselure infinie. On perçoit vaguement une structure inspirée par des exemples piochés dans l’histoire de l’art. On note l’impromptu lyrique de la touche finale, personnelle, les ajoutures et les aphérèses. Ceci étant dit, l’œuvre de Ali Banisadr paraît unique en son genre.

Les tableaux, peints à l’huile, sur toile ou sur bois, parfois accolés en diptyques, ressemblent à des paysages déjà vus ou entr’aperçus quelque part — dans des musées, plus qu’en pleine nature: les cosmogonies floues d’Ali Banisadr rappellent celles de Jérôme Bosch, de Brueghel et de Michel-Ange, entre autres. Ce sont des paysages mentaux, imaginaires, en partie préconçus, dont le résultat surprend toujours les observateurs, à commencer par l’artiste lui-même.

D’après Fereshteh Daftaries, les titres énigmatiques des œuvres évoquent des sujets religieux, réguliers et séculiers, mythologiques ou font allusion aux conflits de tous temps pouvant trouver un écho dans l’actualité politique brûlante.
Selon elle, The Merchants (Les Marchands) rappelle certaine composition en apesanteur du Tintoret, Fishing for Souls (La Pêche aux âmes) est inspiré du tableau éponyme d’Adriaen Pietersz van de Venne (1614), Nothing That Is So Is So (L’apparence est trompeuse) se réfère Shakespeare…

Les compositions sont flamboyantes, au sens propre, saturées de couleur et, aussi et surtout, de signes, de gestes, d’interventions sans fin de la part du peintre, de grattages, d’effets d’estompage, d’effaçages, de biffures, de rayures, d’accrocs, de coups de pinceau et de brosse en tous sens (Ali Banisadr peint et peigne son tableau, parfois à la manière lyrique et fluide du peintre et cinéaste abstrait Viking Eggeling).

La première couche à peine esquissée avec des silhouettes de personnages vaquant à leurs affaires, participant à des orgies, habillés la plupart du temps en costumes bariolés, guerroyant ou festoyant comme dans certaines scènes bucoliques de Watteau, ce sont les points de détail, les accidents et incidents de parcours qui saisissent le spectateur. Cette recherche d’exhaustivité sous forme d’accumulation exprime certainement l’horreur du vide.

De l’orient compliqué, le peintre conserve certaines idées simples, des schèmes, des dadas, comme la structure étagée (le ciel, de différentes teintes, toujours dans la partie supérieure de l’image, puis, systématiquement, des plans d’eau et, enfin, la terre ou le sous-sol), la vue aérienne juxtaposant tous les micro-événements sur un seul plan, à une même échelle, la finesse du trait de pinceau, les virgules, les accents et les bribes d’écriture ou d’arabesques kandinskiens, mais pas vraiment la composition en spirale qui, d’après Alexandre Papadopoulo, est à la base de l’art musulman par excellence — celui de la miniature.

Liste des Å“uvres
— Ali Banisadr, Untitled (Green), 2009. Huile sur toile.
— Ali Banisadr, The Magians, 2009. Huile sur toile.
— Ali Banisadr, As Above, 2009. Huile sur toile.
— Ali Banisadr, So Below, 2010. Huile sur toile.
— Ali Banisadr, Follow Follow, 2010. Huile sur toile.
— Ali Banisadr, The Night Air, 2010. Huile sur toile.
— Ali Banisadr, The Light, 2010. Huile sur toile.

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