LIVRES

Alexandre Barth, Mathilde du Sordet, Carmelo Zagari

Formellement éloignées les unes des autres, les œuvres de Carmelo Zagari, de Mathilde du Sordet et d’Alexandre Barth n’en partagent pas moins des principes allégoriques similaires. Chacun de ces artistes s’approprie des objets artisanaux, des images issues de cultures populaires ou des Vanités, pour superposer à leur sens commun de nouvelles significations: ils procèdent au «doublage d’un texte visuel par un second texte [ainsi qu’à] la réorientation de l’attention et de la lecture» (Benjamin Buchloh). Dans le même mouvement, ils chargent ces matériaux et ces figures ordinaires d’une temporalité séculière ou mythique.

Ainsi de Chaînon et de Construction de Mathilde du Sordet. D’un côté, un bloc de résine verte supporte une planche en L, deux tiges de cuivre, deux moulures rectilignes en polystyrène blanc et des plaques de porcelaine.
De l’autre, une ancienne boîte de jeu entrouverte et posée au sol soutient un morceau de goudron. Si ces éléments évoquent l’artisanat, leur insertion dans des compositions linéaires à l’équilibre précaire, à la fois brutes et légères, les introduit dans l’atelier de l’artiste. Aussi font-ils signe vers un autre temps que celui du cube blanc, celui du faire artistique.

Avec Railroad Sleeping Man et Magical Right Hand, Alexander Barth propose deux caisses en bois respectivement surmontées d’une poutre et d’une main en pâte à modeler ornée de volants de badminton. Placées à l’intérieur de la galerie et juxtaposées à des éléments incongrus, évoquant un verrouillage et un numéro de prestidigitation, ces simples caisses aux intitulés suggestifs se chargent de mystère. On songe à des trésors de pirates ou encore à des légendes d’archéologie égyptienne: le temps ordinaire de la galerie est cette fois-ci infiltré par un temps mythique.

Enfin, Carmelo Zagari puise les images de ses peintures dans le répertoire des Vanités et des cultures populaires. Des masques vénitiens et des têtes de mort dialoguent avec des clowns, des loups, des canards ou encore des hybrides au milieu de couleurs vives. Si le masque et le crâne symbolisent le monde des apparences et la condition mortelle de l’homme, le pessimisme judéo-chrétien qui leur est communément associé s’éclipse en faveur d’un optimisme païen.
Tout comme dans les carnavals d’Amérique latine, la mort et les apparences ne sont pas rejetées en raison de la terreur que suscite la première ou de la supposée fausseté de la seconde, mais intégrées à la vie en tant que devenir perpétuel: nulle essence n’est à chercher derrière les phénomènes, la vérité se confond avec l’apparence.
De même, Carmelo Zagari ne se lamente pas sur un monde scindé entre vrai et faux, mort et vie, mais le célèbre en tant que succession permanente d’apparences, de disparitions et de renaissances. Ses œuvres accueillent un temps à la fois cyclique et immémorial.

En somme, chacune des oeuvres de Carmelo Zagari, de Mathilde du Sordet et d’Alexandre Barth sédimente des temporalités et des significations différentes, condense le proche et le lointain.

— Alexandre Barth, Magical Right Hand, 2010. Bois, pâte à modeler. 170 x 60 x 65 cm.
— Alexandre Barth, Railroad Sleeping Man, 2010. Bois, pâte à modeler. 70 x 150 x 70 cm.
— Mathilde du Sordet, Construction, 2007. Bois, morceau de goudron. 33 x 37 x 41 cm.
— Mathilde du Sordet, Chaînon, 2009. Planche de bois, blocs de résine, tiges en cuivre, moulures en polystyrène, plaques de plâtre. 13 x 155 x 158 cm.
— Carmelo Zagari, Sans titre, 2010 (x8). Peinture acrylique sur papier. 66,5 x 50,5 cm.