ART | EXPO

Aktypi

21 Mar - 10 Mai 2014
Vernissage le 21 Mar 2014

L’artiste a choisi de réunir trois ou quatre tableaux manifestant nettement sa réticence à se forger un style et à s’y tenir. Elle montre de belles dispositions au chapardage et au recyclage, avec aussi quelques tableaux utilisant des tentures décoratives à l’apparence de décors abstraits que l’artiste a «reconditionnées» en les tendant sur châssis.

Camila Oliveira Fairclough
Aktypi

D’abord, pourquoi aktypi? Parce que, même si les joueurs de Scrabble francophones les plus accommodants admettent jusqu’à 305 mots comprenant les lettres K et Y (pluriels et formes conjuguées comprises), et jusqu’à 30 parmi ceux de six lettres, la présence de cette paire est remarquable dans notre langue. Un mot seulement regroupe en outre toutes les lettres d’aktypi en français, un mot scientifique et fortement teinté d’exotisme: le mot kényapithèque, un nom d’animal, fossile de surcroît!

On est tous emprunté lorsqu’on prononce pour la première fois un mot ou un patronyme inconnus. Tant qu’on n’a pas approché le sens du premier, tant qu’on n’a pas rencontré la personne porteuse du second ou l’une au moins de ses relations, tant qu’on n’a pas pu se frotter à ses activités — qu’elle soit maraîchère ou philosophe —, ces insolites constructions de lettres ne sont que des «bibelots d’inanité sonore» et d’excentricité graphique. Or c’est à cette expérience courante que fait écho le tableau qui donne son titre à l’exposition et ce n’est pas anodin s’il consiste en la reproduction d’une signature trouvée dans le livre d’or d’une autre exposition. On chercherait en vain des similitudes plastiques entre le travail de Camila Oliveira Fairclough et celui de Guy de Cointet, pourtant les deux artistes présentent la même disposition au chapardage et au recyclage; Cointet appréciait, lui, tout particulièrement les toponymes exotiques.

Au côté de ce tableau volubile, peint dans une langue étrangère aux consonances grecques autant qu’amazoniennes, on devrait trouver deux tableaux plus taciturnes. De même taille, ces deux-là seraient tout à fait des ready-made si, pour les créer, l’artiste n’avait «reconditionné» en les tendant sur châssis des tentures décoratives à l’apparence de décors abstraits. Imaginez un peu un monochrome dégradé (la voilà, l’exception!) ou, encore un effort, des motifs sans motifs, ou presque. Imaginez Ruscha, affligé de torticolis et peignant couché sur le côté un horizon dont il s’évaderait par gravitation, un horizon vertical et crépusculaire!

Au moment où j’écris, Camila Oliveira Fairclough hésite à présenter ensemble ces deux grands tableaux qu’elle n’a pas peints. La série est une péripétie dans l’histoire du style, on la comprend.

L’espace de la galerie n’est pas très grand — pour prendre le recul nécessaire il faut donc de l’imagination ou sortir et regarder à travers la vitrine —, mais il peut encore s’y introduire autre chose. Un tableau peint au cours du mois précédant le début de l’exposition, par exemple, un tableau péché au hasard d’une bribe de conversation accrochée en marchant dans la rue, justement: un tableau peint avec… les pieds et avec les oreilles!

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