DANSE | SPECTACLE

Le Printemps de la danse arabe | Jusqu’à L

22 Mar - 22 Mar 2019

Avec Jusqu'à L, le chorégraphe et danseur comorien Akeem H. Ibrahim (alias Washko) livre un conte philosophique en forme de duo. Un pas de deux aux accents hip-hop, qu'il interprète avec... La Lumière. Pour un duel poétique, entre deux entités radicalement différentes.

Pièce chorégraphique pour deux interprètes, Jusqu’à L (2018) du chorégraphe et danseur Akeem H. Ibrahim (alias Washko) troublera d’abord les spectateurs. Car sur scène, ceux-ci ne croiront voir qu’un seul être. Jusqu’à ce que leur regard comprenne avec qui danse Akeem H. Ibrahim (Cie Uni’Son). À savoir la Lumière, nommée L. Plongée poétique et tourbillonnante, Jusqu’à L ne se contente pas d’envoûter par sa beauté chorégraphique. Venu du hip-hop et des danses urbaines, sur scène Washko déploie des gestes rapides et précis, en élégantes volutes. Et lorsqu’il manipule des bougies, c’est aussi avec l’air qu’il lui faut composer pour ne pas éteindre la flamme. Une flamme qui n’a d’ailleurs pas l’intention de se laisser éteindre sans se rallumer. Puisque c’est autour de l’autonomisation de la lumière que s’articule la pièce. Et ce, à l’heure où l’information transite par la lumière et où les hologrammes investissent la sphère publique.

Jusqu’à L d’Akeem H. Ibrahim (alias Washko) : un duo avec la Lumière

Conte philosophico-chorégraphique, ludique et poétique, Jusqu’à L remonte à toute vitesse le cours de l’histoire. Celle de l’Homme d’une part ; celle de la Lumière d’autre part. Deux destins distincts, qui se croisent, se cherchent, s’affrontent. D’abord outil, la Lumière s’imprègne d’information, se gorge d’intelligence, jusqu’à ce qu’arrive le moment décisif. La Lumière a-t-elle encore besoin du corps du danseur ? Les spectateurs eux-mêmes en ont-ils encore besoin ? Corps de lumière ultra-rapide, frôlant autant l’omniscience que l’omniprésence : quid de la chair de l’Homme ? De la naissance de la lumière à l’électricité… Dans la vie quotidienne comme dans la vie du spectacle… La prégnance de la lumière et ses évolutions vont jusqu’à la faire devenir protagoniste à part entière de ce duo. Avec Jusqu’à L, deux entités aux constitutions radicalement différentes (l’Humain, la Lumière) établissent ainsi un dialogue. Mais il n’est pas certain que leur besoin de réciprocité soit équilibré.

Une battle chorégraphique entre Humain et Lumière : un conte actuel

Pièce coécrite avec Clotilde Tranchard, Jusqu’à L virevolte sur les notes de Loïc Ghanem. Et de nature ondulatoire ou corpusculaire, les deux danseurs éclaboussent la scène de leurs énergies. Sur un jeu de lumière orchestré par Odilon Leportier, L se rebelle. Elle refuse de glorifier le corps du danseur, de rester à son service. Elle n’a, en réalité, pas vraiment besoin du danseur pour exister dans l’univers. Ni non plus n’a-t-elle besoin du spectateur pour s’y propager sans fin. Au début du XXe siècle, dans Architecture de verre (1914), le poète Paul Scheerbart envisageait de transformer la Terre en une sorte de vaisseau illuminé de mille feux. Pour la rendre visible de partout dans l’espace, comme une enseigne de Motel dans le désert. Un siècle plus tard, la pollution lumineuse ne cesse de modifier le métabolisme des êtres vivants. Conte chorégraphique, Jusqu’à L s’empare, en dansant, de ces questions brûlantes.

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