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Air

PEmmanuel Posnic
@12 Jan 2008

Zbigniew Rogalski jette le trouble dans ses images. Son exposition chez Almine Rech poursuit l’irréprochable mécanique qui nourrit son travail, cette articulation entre subjectivité du regard et réalité.

Le territoire de Zbigniew Rogalski s’étend de la peinture à la photographie. Plus précisément, l’artiste porte son attention sur le photographique dans la peinture et la picturalité dans la photographie. Intérêt du Polonais pour les vents contraires, adhésion au mélange des genres.

De cette manière, les ailes d’oiseau qu’il photographie (Sans titre, Wing), ces images de gouttes d’eau suspendues sur un carreau de fenêtre, laissent traîner la suspicion quand à leur matérialité (Invaders). Les motifs que ses photographies désignent échappent à toute réalité: Zbigniew Rogalski ne traite pas la profondeur, encore moins les éléments satellites. Ses images parlent de l’objet en l’effleurant, elles ne se concentrent que sur la surface, le fond baigne dans des tonalités laiteuses sans densité ni corps, comme pour mieux en «abstractiser» le contenu et faire douter le regardeur.

Ses peintures répondent aux mêmes orientations. Ici, un personnage se replie sur lui-même (Crash Position). Là, une matière entre le verre et l’aluminium se compresse et, dans le resserrement, libère des surfaces et des angles réfléchissants (Dinner For Tomorrow). Encore une fois, les sujets sont contraints à la surface de la toile, orphelins de tout environnement et la seule profondeur qui régit leurs formes est celle de leurs propres ombres. Les tableaux de Zbigniew Rogalski préservent cet élan poétique qui transparaît dans ses photographies, notamment dans ces ailes éteintes sobrement déposées, et ce sentiment d’une force aliénée qui ne demande qu’à se déployer.

Malgré le désert qui entoure chacun de ses motifs, ou plutôt grâce à ce vide sidéral, Zbigniew Rogalski nous entraîne dans une fascinante narration muette, où chaque morceau de l’ensemble, chaque séquence emportent le spectateur dans un déroulé cinématographique, un boulevard pour l’œil vagabond, une percée de l’imagination dans le monde connu.

Zbigniew Rogalski
— Crash Position (1), 2007. Huile sur toile. 140 x 140 cm.
— Dinner For Tomorrow, 2007. Huile sur toile. 220 x 150 cm.
— Untitled (Wing 4), 2007. C-print contrecollé sur aluminium et monté sous plexiglas. 160 x 160 cm.
— Concert of Matthew Shipp (2), 2007. Crayon sur papier. 119 x 160 cm.
— Invaders, 2007. 20 photographies. C-print sur dibond, plexiglas. 33 x 47 cm (chaque).

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