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Ailleurs, ici

Journal-programme des activités du musée d’art moderne de la Ville de Paris – Arc délocalisées au Couvent des Cordeliers. Un catalogue hybride qui présente le travail sur l’appropriation de l’espace et du volume des sept artistes exposés (architecte, vidéastes, performers), dont les travaux figurent sur des images auto-collantes à repositionner.

— Éditeurs : Paris musées, Paris / Steidl, Göttingen
— Année : 2004
— Format : 32 x 45 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : non indiqué
— Langue : français
— ISBN : 2-87900-821-2 (Fr) / 3-86521-003-1 (All)
— Prix : 10 €

Préface
par Suzanne Pagé (extrait)

Cette manifestation est introduite par l’intervention d’un artiste, Francis Alÿs, qui a choisi d’accompagner le passage du musée d’un lieu à l’autre par un tracé de peinture à travers Paris dont la réalisation a produit un film. Tourné dans la lumière séraphique d’une matinée d’automne, il s’inscrivait tel un fil d’or sur le sol parisien, gardant mémoire d’une action voulue clandestine.

C’est cette lumière, or et argent ici, que Didier Fiuza Faustino introduit dans la nef du Couvent par un grand geste qui en redessine le volume pour y définir les deux missions mentionnées de lieu d’expositions et lieu de débats-rencontres.
Cet architecte franco-portugais avait été particulièrement remarqué à l’Arc dans le cadre de «Traversées» en octobre 2001, avec la double création d’un lit d’eau très blanc saturant l’Aquarium contrastant avec la structure gonflable noire qui venait obstruer l’espace en vis à vis. Très au fait des arts plastiques (élève de Claude Lévêque, il réalise aujourd’hui la maison de Fabrice Hybert), cet architecte a une position particulière par l’exploitation consciente et inventive du rapport du corps à l’espace et la maîtrise des contraintes physiques inhérentes. La complexité cachée derrière une fluidité qui fait écho à une certaine architecture technologique tient au parti inattendu que Didier Fiuza Faustino tire du matériau très simple qu’il utilise et que masque la sophistication de ses effets miroitants. Il s’agit d’un matériau basique de survie destiné à conserver la chaleur du corps et dont la légèreté, la finesse, agit comme la membrane sensible d’un espace à la fois fragile et protecteur.

Cette structure particulière a induit une présentation ciblée de trois positions d’artistes liés par cette même implication du corps à l’espace – physique et social – avec la volonté commune de le réapproprier dans une nouvelle perspective avec des modalités et des enjeux autres.

Ainsi des deux jeunes artistes anglais, Olivier Payne et Nick Relph. La culture pop-musique et skate dont ils sont d’actifs praticiens – marque des films renvoyant à des déambulations urbaines comme à autant de regards à vif d’une réalité réhabilitée, autre. Ailleurs, ici.

Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla, résidant à Porto Rico, interviennent aussi régulièrement sur l’espace urbain, par des performances. Ici ils inventent une ville/antenne flottant dans l’espace, sorte de station spatiale qui n’est pas sans évoquer des projets utopiques à la Constant, la ville devenant elle-même lieu d’émissions et instrument de communications avec sons et lumières. En même temps, ils ont tenu à donner sens à leur travail à Paris en obligeant le spectateur, dès le seuil de l’exposition, à une réflexion sur l’histoire du lieu évoqué par une cloche. Ailleurs, ici.

Tino Sehgal, d’origine allemande, s’inspire de la danse et de la chorégraphie dans ce qu’il présente comme Sculptures. Les acteurs-amateurs, très rigoureusement choisis à Paris même, sont activés par l’entrée du visiteur comme librement enfermé dans l’espace ainsi créé, captif de l’enrobage gestuel et sonore que ces sculptures induisent, entre chant et slogan. Ailleurs, ici.

(Texte publié avec l’aimable autorisation du musée d’art moderne de la Ville de Paris – Arc)