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After L.A & Disney’s Pictures

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Entre reportage photographique, témoignage et récit biographique, l’artiste américain Anthony Hernandez propose des bribes d’histoires: la fin sans nous avoir rien raconté. Loin du spectaculaire, il jette un regard aigu sur les problèmes de société.

Comme l’année dernière la rentrée chez Polaris commence en photographie. Eric Aupol avait débuté la saison dernière avec des clichés privés de toute présence humaine. Pour cette nouvelle saison Anthony Hernandez revient avec des paysages désertiques, des architectures délaissées. Cette première exposition sera suivie de celle de Stéphane Couturier, autre photographe géométrique. Ces trois artistes, utilisant chacun la photographie, parviennent avec une esthétique proche à raconter des histoires différentes. C’est surtout chez l’Américain Anthony Hernandez que l’on retrouve le plus grand engagement. Ses clichés dépourvus d’artifices se prêtent très bien à une narration latente.

Artiste de la mémoire, du souvenir autant que de la réaction et de la condamnation, il propose des vues documentaires aussi dénonciatrices qu’incomplètes. Ses dénonciations ne sont jamais explosives. Il ne villipende pas, mais pratique la satyre par la discrétion autant que par l’allusion. Comme il n’enfonce pas les portes ouvertes, il ne montre pas non plus l’évidence. Durant les années quatre-vingt, son travail sur les sans-abris aux États-Unis témoignait, portait les traces de ces squats blottis sous les échangeurs autoroutiers.
La photographie est depuis longtemps placée sous le signe de la trace, elle a ce pouvoir de graver, grâce à la lumière, le réel. Pour cette période, il serait plus judicieux de parler de reste. La trace est remplacée par tout le reste: des déchets, des rebus de la société.

Entre reportage, témoignage et récit biographique, Hernandez propose des bouts de pistes, qui sont autant d’impasses. Il nous soumet des bribes d’histoires, plus exactement des chutes (comme dans la confection). Il nous donne la fin de l’histoire sans nous avoir rien raconté. Prenant soin de se tenir éloigné du spectaculaire, il offre au spectateur un regard d’autant plus aigu sur les problèmes de société qu’il peut traiter.
S’était encore le cas en 2001 avec After L.A, qui proposait un regard sur une ville qui se vide. Ne rien dire, ne rapporter que des murmures perdus, les restes, comme ces graphitis qui témoignent d’une présence passée.

La technique comme le propos sont bien rôdés. Les thèmes s’enchaînent naturellement et prennent sens les uns aux regards des autres. Hernandez méticuleusement prend soin de mettre en lumière les à-côtés, les bas-côtés, tout ce qui se trouve à la marge. Ce parti pris social se traduit plastiquement par un souci du détail. Un HLM abandonné, voué à la destruction, ne respire plus que par les quelques restes qui traînent encore ici et là : un mur de graffitis, une poupée squelette abandonnée, un interrupteur (série Also Village).

Le détail peut laisser la place au renversement. Les coulisses peuvent prendre la place de la scène. La série Disney renverse l’image ludique d’évasion que représente les célèbres parcs d’attractions de la firme, pour juste souligner son aspect carcéral. Des barreaux, des grilles, des serrures sont les revers de cette société de la lumière et des strass. L’enfermement semble être le piège que tente de démonter l’artiste face à cette société qui nous mystifie.

Anthony Hernandez :
— Série Belmont College, 2002. Trois cibachromes. Dimensions variables.
— Série Also Village, 2002. Trois cibachromes. Dimensions variables.
— Disney # 3, 2002. Trois cibachrome. 131 x 161 cm.
— Picture for Rome, 1998. Cibachrome. 110 x 111 cm.

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