ART

Afrique

PAnne Lehut
@01 Avr 2011

La galerie Hussenot présente, avec André Magnin, sept artistes originaires de Madagascar, du Bénin, d’Afrique du sud, ou encore de République démocratique du Congo. Si la vie quotidienne en Afrique et l’histoire de ce continent sont souvent à l’origine des travaux présentés, il convient de regarder ce travail autrement qu’estampillé «art africain».

André Magnin fut commissaire adjoint des fameux «Magiciens de la Terre» (1989), et ne cesse depuis de travailler à la reconnaissance des artistes africains. L’exposition a pour seul but de réunir des créateurs originaires d’Afrique, pour les faire apprécier à leur juste valeur, au-delà des considérations réductrices expliquent leurs travaux uniquement par leurs origines. La diversité des travaux empêche heureusement de croire qu’il y aurait UN «art africain».

On ne présente plus Chéri Samba, qui a commencé comme peintre d’enseignes publicitaires en République démocratique du Congo, avant de devenir l’artiste facétieux que l’on sait. S’étant fait une spécialité de la satire sociale sous couvert d’humour, il en présente ici un bel exemple avec Catalogue des prix d’amour. Sous son habituelle facture lisse, il détaille de façon assez crue, par des mots, les services proposés par une prostituée, dans ce qu’il appelle son «premier tableau vibrant».

Une même énergie et une même ironie mordante habite les travaux de Cameron Platter. Il donne à l’exposition sa bande-son, avec l’installation Unlock Your Life Now (ATM/Minibar/Gospel Soundsystem), sorte de cabane à alcool et photos érotiques qui diffuse des chansons. On retrouve là les thèmes fréquemment traités par ce «fils illégitime de Quentin Tarantino et du Dr Seuss» (Linda Stupart): la drogue, le sexe, en somme toutes les dérives du monde contemporain.
Cameron Platter présente également des Å“uvres graphiques, joyeux pêle-mêle où l’on retrouve son univers saturé de couleurs, peuplé d’animaux incroyables, d’architectures insaisissables. Tout est prétexte à la satire: Dr Wolf Blitzer moque les super héros de la presse américaine. Notons au passage l’importance de l’écriture dans ce travail, comme dans celui de Chéri Samba.

Elf, rien à foutre est une installation du béninois Romuald Hazoumé. On y retrouve les bidons d’essence qui forment une grande partie de son vocabulaire plastique. Mais ici, ils ne sont pas transformés en masques: ils constituent la marchandise d’une moitié de voiture, qui vient buter contre le mur de la galerie. Romuald Hazoumé évoque souvent dans son travail l’omniprésence du trafic d’essence au Bénin et dénonce la répression par les autorités de ce circuit parallèle qui tente d’échapper aux grands groupes pétroliers.
Romuald Hazoumé est un des représentants, au sein de cette exposition, d’une esthétique de la récupération, souvent pratiquée par les artistes africains.

On peut évoquer également ce recyclage avec les travaux de Kura Shomali, qui mêle souvent à ses œuvres graphiques des images de magazines. Mémoire Katanga Business montre un prisonnier sans visage, chaîne autour du cou, fermée par un cadenas qui saigne. Le Katanga est une province de République démocratique du Congo particulièrement riche en ressources minières, mais où la population demeure très pauvre…

Les travaux de Moshekwa Langa, Billie Zangewa et Joël Andrianomearisoa, bien que très différents, se font sur un mode plus intime.
Originaire d’Afrique du sud, Moshekwa Langa évoque de façon très personnelle les souffrances des populations longtemps déplacées.
Billie Zangewa, seule artiste femme de l’exposition, vit elle aussi en Afrique du sud et travaille la soie brodée. Elle présente notamment Disarming mars, œuvre au format étrange, très découpée. Une femme et un homme s’enlacent, s’embrassent. La femme est au-dessus: il y a chez Billie Zangewa une récurrence de la représentation de la «femme triomphante».
   
Enfin, achevant de témoigner de la diversité de ces travaux, Joël Andrianomearisoa, malgache, travaillant lui aussi le textile, occupe l’espace par un long assemblage de tissus, tous noirs. Le noir est la couleur fétiche de l’artiste, pour toutes les variations qu’elle peut offrir, dans ses jeux avec la lumière et la matière. Joël Andrianomearisoa parle lui-même d’un hommage à la peinture de Pierre Soulages.

Les artistes eux-mêmes rendent inutile une longue démonstration pour prouver que l’art n’a ni frontières, ni territoires. Pour reprendre des mots de Chéri Samba, «la peinture n’a pas de nationalité».

— Romuald Hazoumè, Elf Rien à foutre, 2005. Matériaux divers. 220 x 230 x 180 cm
— Cameron Platter, Unlock Your Life Now (ATM/ Minibar/ Gospel Soundsysytem), 2008. Carved wood, mixed media, found objects. 210 x 60 x 80 cm
— Joel Andrianomearisoa, Empty, 2011. Papier. 75 x 20 cm
— Joel Andrianomearisoa, NY Flow, 2010. Tissus. 300 x 300 cm
— Chéri Samba, Le Secret d’un petit poisson devenu grand, 2007. Acrylique et paillettes sur toile. 135 x 200 cm
— Chéri Samba, Catalogue des prix d’amour, 2010. Acrylique, paillettes et collage sur toile. 135 x 200 cm
— Cameron Platter, Dr Wolf Blitzer, 2010. Dessin sur papier. 180 x 180 cm
— Cameron Platter, Love Life: Killa Zebraz Spaceship, 2011. Pencil crayon on paper. 232 x 175 cm
— Cameron Platter, Intergalactic Mothership Leisure Facility, 2011. Pencil crayon on paper. 233 x 176 cm
— Billie Zangewa, Disarming mars, 2010. Soie brodée. 136 x 123 cm
— Billie Zangewa, White Christmas, 2008. Soie brodée. 41 x 79 cm
— Kura Shomali, Mémoire katanga business, 2011. Technique mixte, collage, fusain, feutre, stylo, gouache sur papier. 125 x 225 cm
— Kura Shomali, Sans titre, 2007. Technique mixte, collage, fusain, feutre, stylo, encre, gouache sur papier. 75 x 58 cm
— Kura Shomali, Sylvie Mulura Yoyo yo, 2010. Technique mixte, feutre, stylo, encre, gouache sur papier. 43 x 30 cm
— Moshekwa Langa, The spy who came in, 2004. Dessin et gouache sur papier.  145 x 105 cm
— Moshekwa Langa, Untitled, 2004. Dessin, peinture et tissus sur papier. 114 x 154 cm

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