ART | CRITIQUE

Action restreinte

PClément Dirié
@12 Jan 2008

Une installation minimale, où s’exposent anciens travaux, fresques, vidéos et projets. De l’esprit de sérieux à l’esprit de jeu, des sensations à la conceptualisation, l’ensemble affirme vouloir distinguer « deux systèmes de visualisation » : haute culture/culture populaire.

Le titre de l’installation de Pierre Joseph, Action restreinte, est sans aucun doute à prendre au premier degré, au sens de l’entreprise a minima d’un artiste qui ne se soucierait pas d’investir le lieu, mais qui exposerait seulement ses anciens travaux comme autant de traces d’une réflexion artistique.

Les murs de l’alcôve du Palais de Tokyo sont recouverts par trois grandes fresques : la première se présente comme un tag, la seconde « réalise » un paysage balnéaire tropical, et la troisième tient du graphisme. Il y a peut-être là une monstration de plusieurs types de représentation ? Rien n’est moins sûr.
Au milieu de l’espace est perdu le fauteuil soi-disant emblématique de Matrix. Tandis qu’à l’entrée des œuvres antérieures de Pierre Joseph — ouvrages, vidéos, projets — sont présentés sur une table de travail.

Du minimalisme, on passe au vide, ou plutôt à la vacuité. Et l’on peine à remplir, à apprécier, cet ensemble sans âme. Comme si la vacuité était justement le propos de l’artiste. Cette vacuité qui se trouve ironiquement renforcée par trois (très immatérielles) vidéos projetées et réalisées avec l’écrivain Mehdi Belhaj Kacem : Ann Lee, La Petite Fille muette et Ludodicée. Ces vidéos évoquent avec une sorte de détachement l’univers du jeu et du risque. Le terme de « Ludodicée » rappelle l’importance du jeu dans le monde d’aujourd’hui, l’obsession de l’entertainment.

Pierre Joseph affirme vouloir distinguer « deux systèmes de visualisation (haute culture/culture populaire) sans proposer aucune conciliation entre les deux ». L’installation exprime cette séparation des systèmes : les écrans plasmas sont fixés à même les fresques sans aucun rapport, ni souci de rapport, entre eux ; Action restreinte oppose également l’esprit de sérieux et l’esprit de jeu, sensations et conceptualisation.
Il est en fait question des écarts entre plusieurs formes de rapport à l’art, à la création et à ses missions. Mais le formalisme et l’austérité de l’œuvre, l’opposition entre l’esprit de sérieux et certains symboles du loisir, ne risquent-ils pas d’accroître cet écart ?

Pierre Joseph
— Action restreinte, 2003. Installation, peinture, vidéos, mobilier.

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