ART | CRITIQUE

A Thing of the Mind

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@07 Jan 2013

L’artiste danois post conceptuel Henrik Plenge Jakobsen aborde des questions sociales, politiques et culturelles au moyen de la sculpture, l’installation et la performance. Son œuvre A Thing of the Mind, présentée pour la première fois dans son intégralité, est un hommage émouvant rendu à la Mer Baltique et à ses îles qui le fascinent tant.

«J’habite à Copenhague et la mer Baltique est juste devant ma porte, annonce Henrik Plenge Jakobsen. J’ai toujours été intrigué par son mélange d’eau douce et d’eau salée, ainsi que par son rôle essentiel dans l’histoire de l’Europe du nord, pour la pêche, le commerce, la guerre, et plus récemment dans le secteur de la culture et des loisirs».
Et c’est là qu’il réalise Littorina littorea, une installation filmique composée de six courts métrages muets, en noir et blanc, consacrés aux îles mythologiques suédoises et danoises de la Baltique.

Les paysages côtiers, défilé de falaises irrégulières, servent de décor à la fois sauvage et mystérieux. Muets, les films concentrent l’attention sur les gestes si énigmatiques et troublants des personnages qu’on les devine relever d’un rituel. Une femme organise des constellations de miroirs triangulaires devant une vaste grotte de Lilla Karlsö, une île déserte à l’est de Gotland.
Dans Langhammars un homme marche jusqu’à la mer avec une longue canne qui, affublée de deux œufs, est appelée «bâton ovaire». Une femme fait la morte les yeux ouverts, allongée sur une plage à deux pas de la maison d’Ingmar Bergman. Dans, Torre Ovn un homme pénètre dans les eaux obscures d’une grotte, alors que dans Salene, Emil verse du sel dans la mer à genoux sur une plage de galets…

Chacun des acteurs joue avec et contre la mer et les paysages en semblant se mouvoir en équilibre sur un fil tendu notre monde et l’insondable. Alors que la lumière crue du solstice d’été produit une image granuleuse et confère aux films une allure aussi vacillante et hypnotique que les corps. Comme si ceux-ci n’étaient qu’une vision que l’on s’attendrait presque à voir se dissoudre sur les murs de la galerie.

Si les performances filmées tendent à capter toute notre attention, A Thing of the Mind est à considérer comme un ensemble dont les œuvres entourant les courts-métrages sont autant de balises dans l’univers mental de l’artiste.

La topographie de la petite île de Lilla Karlsö, où prend naissance ce voyage méditatif, sert d’affiche aux films. Un croquis anatomique de l’intérieur d’un escargot de mer (Littorina Littorea Interior), communément appelé bigorneau, accuse d’étranges ressemblances avec des trompes de Fallope, qui évoquent l’idée de fécondation. Faisant ainsi figure de matrice dans cette pérégrination artistique, le bigorneau prête son nom à l’œuvre filmique.
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En suspendant à une corde un modeste fossile trouvé sur la très authentique île de Farö peuplée de raukars, ces piliers aux formes étranges sculptés par la mer dans la roche calcaire, Henrik Plendge Jakobsen convoque l’histoire millénaire des îles baltes et la naissance du monde. Sa méditation sur les origines du monde et de la vie, est accompagnée du bâton ovarien (Ovary) a posé contre un mur, et que l’on retrouve dans le film Langhammars.

L’objet le plus troublant est peut-être Orgone Receiver, un morceau de bois flotté que des insectes ont creusé de nombreuses cavités, et au centre duquel Henrik Plendge Jakobsen a déposé une boîte en or plaqué censée recevoir des particules d’orgone — cette «énergie» circulant dans l’univers du Soleil vers la Terre, dont Wilhelm Reich, l’impétueux psychiatre-psychanalyste élève puis adversaire de Freud, a prétendu qu’elle serait capable de guérir l’humanité de tous ses maux.
C’est assurément pour renouer avec cette utopie que l’harmonie est à capter au plus près de la nature sauvage et brute qu’Henrik Plenge Jakobsen dépose son «réceptacle d’orgone» sur une souche de bois échouée sur la plage de l’île de Salene Bay après avoir été malmenée par les vents et les marées, et qu’il place les personnages de ses films en relation intensément tactile avec les paysages.

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