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A minor sense of didacticism

28 Mai - 30 Juil 2011
Vernissage le 27 Mai 2011

La figure du colonisé chez Mathieu Kleyebe Abonnenc ne se cache plus dans des espaces suggérés par des vides ou dans les représentations filmées d'un monde à l'agonie. Désormais, l'artiste pense une oeuvre collective — car il s'agit toujours d'échanges et de flux — qui puisse lutter efficacement contre l'effacement et la disparition.

Mathieu Kleyebe Abonnenc
A minor sense of didacticism

La recherche de Mathieu Kleyebe Abonnenc a depuis un an pris un tournant décisif. La figure du colonisé (et celle du colonisateur) ne se cache plus dans des espaces suggérés par des vides ou dans les représentations filmées d’un monde à l’agonie. Cette recherche, liée à la construction d’une identité post-coloniale, et le travail formel qui en découle, créent de nouveaux possibles. Un de ces possibles consiste à penser une oeuvre collective — car il s’agit toujours d’échanges et de flux — qui puisse lutter efficacement contre l’effacement et la disparition.

Placé sous l’égide de grandes voix de la décolonisation, comme celle de Frantz Fanon, ou aux côtés d’acteurs de ces conflits, comme la réalisatrice antillaise Sarah Maldoror, le travail de Mathieu Kleyebe Abonnenc propose une relecture minoritaire de l’Histoire récente.

«A minor sense of didacticism» est une occasion pour l’artiste de «tout redire (…) tous ces noms oubliés des livres, certains flétris». C’est ainsi qu’il faut comprendre la programmation proposée par Abonnenc dans le sous-sol de la galerie: ces films dont certains demeurent confidentiels, quand ils ne sont pas introuvables, furent projetés à Alger en 1986, à l’occasion du 25ème anniversaire de la mort de Fanon. Ceux qui ont été témoins des interventions précédentes de l’artiste, autour du compositeur africain-américain Julius Eastman au Plateau / FRAC Ile de France et de Sarah Maldoror à Manifesta 8 et à Gasworks (Londres) auront peut-être compris qu’Abonnenc agit dans le temps, par petites touches qui peignent le portrait d’une famille recréée, d’un contexte qu’il convient de faire apparaître.

L’exposition dont l’artiste fut le commissaire à la Synagogue de Delme au printemps 2010, «Self as disappearance», dessinait, autour d’artistes dont les noms nous étaient familiers (Joe Scanlan ou Haegue Yang), un arrière-plan conceptuel ayant trait aux questions d’identité. Tâche difficile dans un pays où toute réflexion sur l’identité est soit reléguée du côté de revendications dites «communautaristes» immédiatement suspectes (lorsque l’on se place du côté des minorités «visibles»), soit utilisée comme bouclier pour protéger une «identité nationale» dite menacée. 

Dans un contexte qui nie la possibilité de prendre en compte une histoire différente — toujours celle de l’Autre, pas la nôtre, pas celle qu’il faudrait — la voix de Mathieu Abonnenc rejoint celle de nombreuses femmes, qu’on a pu adroitement ranger dans une sous-catégorie dite «féministe» de l’art. Le morcellement par sous-catégories, stratégie ancestrale de domination — « diviser pour mieux régner » — permet encore à certains de penser qu’il existerait un art universel.

En réunissant les acteurs et actrices bâillonnés de l’Histoire (et de l’histoire de l’art en particulier), en participant à l’écriture d’une mémoire commune par le biais d’expositions, de traductions de textes séminaux, de projections de films oubliés, ou de reconstitutions d’archives éparpillées (comme la collection des numéros de la revue Tricontinentale, publiée par François Maspero ou les images du film Des fusils pour Banta, de Sarah Maldoror), Abonnenc s’empare du legs de l’œuvre de Fanon et des non-alignés. Il est inutile d’évoquer ici l’actualité récente, nationale et internationale, pour souligner la nécessité de faire survivre cette pensée contradictoire au sein de sociétés occidentales au bord de l’amnésie (IA).

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