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A conversation is a risk to lose your own opinion (L’opinion à l’épreuve de la conversation)

30 Mai - 03 Oct 2015
Vernissage le 30 Mai 2015

Pour ses vidéos et performances, Feiko Beckers s’inspire des rituels quotidiens révélateurs du côté inconfortable des interactions sociales, pour en déployer la dynamique et en souligner la charge émotionnelle sous-jacente de l’anxiété, du sentiment d’échec et de la tristesse. La banalité devient le modèle de plus importantes questions existentielles.

Feiko Beckers
A conversation is a risk to lose your own opinion (L’opinion à l’épreuve de la conversation)

«Dans son livre The Consolations of Philosophy, Alain de Botton dévoile comment les grandes questions philosophiques peuvent transcender la vie quotidienne. A partir de problèmes pratiques, comme le manque d’argent, il sème dans l’esprit du lecteur les graines d’une réflexion philosophique simple mais fondamentale.

Le pouvoir subtil du questionnement est un élément clé du travail de Feiko Beckers. L’artiste se concentre sur la nature problématique des relations humaines quotidiennes. Nous avons tous déjà été confrontés à ces rituels quotidiens révélateurs du côté inconfortable des interactions sociales, ces situations embarrassantes ou gênantes connues de tous; par exemple, comment débuter une conversation (A certain time and a certain place, 2011). Les relations personnelles de l’artiste deviennent exemplaires des problèmes de tous les jours et des dilemmes que les humains semblent éprouver les uns envers les autres. Par conséquent, il se focalise sur ces schémas comportementaux, en déploie la dynamique et souligne la charge émotionnelle sous-jacente de l’anxiété, du sentiment d’échec et de la tristesse. Il remonte jusqu’à la source-même de ces sentiments tout en continuant à se demander comment les éviter à l’avenir.» (Alexandra Landré)

«Dans Le Mythe de Sisyphe, l’absurde, pour Albert Camus, “naît de la confrontation de l’appel humain avec le silence déraisonnable du monde”. Dans mes vidéos et performances, cette distance est constamment débattue. Il y a d’une part les histoires personnelles que je raconte et dans lesquelles les membres de ma famille et mes amis réels jouent leur propre rôle. Ces histoires tournent souvent autour de certains échecs, accidents et autres moments embarrassants qu’il m’est arrivé de vivre avec eux. D’autre part, il y a mon désir de trouver une réponse à la nature inattendue et impitoyable de ces événements malheureux. Ou, comme le décrit Camus, “ce désir éperdu de clarté dont l’appel résonne au plus profond de l’homme”.

Mon travail est une perpétuelle tentative pour combler cet écart et satisfaire mon «désir éperdu de clarté». A l’aide du langage et de l’image, j’essaye d’établir des structures et des stratégies qui rendraient acceptables et gérables la gêne et les accidents de mes histoires. Par exemple, la vidéo Slow and gradual (2012) est une tentative pour trouver le bon moyen de dire au revoir à un ami en train de déménager définitivement pour Taïwan, tandis que la performance No chance of success whatsoever (2012) montre mon combat contre la gêne que j’éprouve avec mon père.

Dans mon travail, c’est l’échec qui rend visible le fossé qu’évoque Camus. Car quoi que je fasse pour rendre la vie autour de moi plus compréhensible, ça se solde par un misérable échec. Ces défaillances s’expriment de diverses manières. Parfois, elles se manifestent à travers un comique burlesque: dans Three Options (2011) par exemple, ma mère tombe dans un trou et disparait; ou bien dans No chance of success whatsoever où une table s’effondre. Mais souvent, ces échecs émanent seulement des contradictions entre ce que j’énonce et ce qui est finalement visible.

Dans la nouvelle vidéo A conversation is a risk to lose your own opinion, que je réalise pour le CAP de Saint-Fons, ces échecs sont montrés d’une manière toute nouvelle, à savoir par ce qui d’ordinaire accompagne simplement mes pièces: une conversation entre moi-même et quelqu’un d’autre, pendant laquelle nous n’arrivons pas à tomber d’accord. En d’autres termes, une dispute. Le moment qui montre que les idées que j’ai sur le monde ne coïncident pas avec lui. Le moment qui montre — encore — l’absurde selon Camus.

A conversation is a risk to lose your own opinion présentera trois de ces dialogues. Ces derniers ne sont pas seulement mentionnés, comme c’est généralement le cas dans mon travail, mais rejoués par moi-même et un acteur dans un décor cinématographique. Et ainsi devenir la libre réactivation de dialogues réels.
Les trois dialogues qui constituent A conversation is a risk to lose your own opinion sont présentés séparément, sans lien apparent. Chacun possède sa propre narration, ses propres personnages et ses propres sujets, depuis mon restaurant italien préféré à Paris jusqu’à une machine à laver cassée.
Ce que les dialogues ont pourtant en commun, c’est d’apparemment tous comporter un problème trivial. Par exemple: si vous aviez un restaurant préféré, seriez-vous prêt à en partager l’adresse avec d’autres? Dans tous les dialogues, j’essaye de convaincre l’autre personne que ma manière de traiter ou de résoudre le problème est la bonne. Bien que je parvienne à mes fins, il devient également clair que la solution proposée est loin d’être bénéfique pour moi.

Afin de souligner l’artificialité de mes réactivations, ces dernières ont lieu dans la boîte noire d’un théâtre, et l’acteur et moi-même sommes vêtus de costumes cubistes colorés faits à partir de formes géométriques. Alors que je porte toujours le même costume, celui de l’acteur change à chaque dialogue, pour signifier qu’il joue chaque fois un personnage différent. Ces costumes sont inspirés de ceux dessinés par Kazimir Malevitch pour Victoire sur le soleil, un opéra de 1912 conçu pour réduire l’écart entre littérature, musique et arts visuels afin de “transcender le monde visible pour l’élever à un degré de conscience supérieur et préparer un monde meilleur pour le futur”. Un projet éminemment utopique, qui a précédé de peu la Révolution Russe.

Dans A conversation is a risk to lose your own opinion, le même type de costumes est utilisé pour accomplir quelque chose de beaucoup moins ambitieux. Plutôt que de proposer un monde meilleur, ils servent à répondre aux problèmes les plus triviaux. Et pourtant, au cours des dialogues, la banalité devient bientôt le modèle de plus importantes questions existentielles.» (Feiko Beckers)

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