DANSE | CRITIQUE

4 solos. Preparatio mortis

PSiyoub Abdellah
@07 Déc 2012

Dans le cadre de l'invitation faite à Jan Fabre, le Théâtre de Gennevilliers présente Preparatio Mortis, un solo comme un mausolée offert à la Mort, celle de ses parents brutalement sortis de scène à six mois d'intervalle.

De la part d’un artiste qui écrit son épitaphe et dépose chez le notaire son Å“uvre post-mortem –une sculpture de son cerveau dont les croquis existent déjà– un solo qui se construit autour d ‘un cercueil n’est pas une surprise majeure. La simplicité de l’inducteur de création l’est davantage: ses proches, ceux dont il est issu, meurent. La proximité avec la mort engage à un regard plus vif sur la vie, un désir d’intensité folle.

Cet élan vital qui traverse toute son Å“uvre danse/théâtre –la partie purement plastique mérite un traitement précis dont il ne sera pas question ici– lui a parfois valu d’être envisagé comme un nietzschéen pur et dur, tendance Wagner, ravagé par le théâtre, la grandiloquence et la démesure dramaturgique. Fascinant, un peu fascisant. Le chaos comme marque d’une résistance, d’un mouvement ininterrompu qui garantit la prédominance de la vie.

Toute la beauté de Preparatio mortis vient sans doute de sa différence. Annabelle Chambon, parfaite interprète de sa dixième pièce avec le créateur flamand traverse évidemment les gestes qui appartiennent au répertoire de Jan Fabre: coups de reins, fellations plus que suggérées, saccades, chutes, slow motions impeccables. Pourtant la pièce est, à sa manière, intimiste. Dans le noir, une longue introduction à l’orgue (pièce contemporaine de Bernard Foccroulle) laisse à chacun le loisir d’une mise au point avec les rituels de deuil. Puis la fascination d’un piédestal couvert de fleurs qui pourrait tout aussi bien être des crânes et des mains tant la lumière caravagesque est réussie. Là dessous, cela bouge. Sans que l’on sache très bien quoi. Des contractions, des reptations secrètes: sous les couronnes mortuaires quelque chose nait. La femme apparaît, glisse le long des gerbes de glaïeuls dans un tombé digne des plus grand tableaux orientalistes. Vient alors la danse contre la mort, les fleurs piétinées, enlacées, jetées vers les cieux comme des gerbes littérales. Puis, lors d’un autre noir, Annabelle se retrouve dans le cercueil de Blanche-Neige. Entre les parois de verre, sous l’inscription gothique qui doit être la date de naissance de la danseuse-chorégraphe. A l’intérieur des papillons s’abîment à être touchés tandis qu’elle dessine quelques traces de son passage et que la buée gagne.

Sans doute toute l’audace de cette scénographie est dans cette intimité haute en couleur. La mort est souvent approchée par la sobriété de gris élégants ou dans un univers trash de verts et de rouges. Ici, du beau tout autour de notre guerrière. Un tapis de fleurs fraiches dont la composition laisse rêveur. A la hauteur des motifs orientaux les plus sophistiqué, odorant et déplacé ce sol mérite à lui seul le déplacement. Jan Fabre, plasticien, déçoit rarement.

Preparatio mortis dit la mort comme un élan vital –une pulsation fatale mais riches d’explosions– une dernière respiration créatrice.

 

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