ÉCHOS
01 Jan 2002

30.03.06. Phillips : retour discret et stratégie contemporaine

La maison de vente Phillips revient à Paris, dans un hôtel particulier du Marais et avec une nouvelle stratégie : les acheteurs de photographie et d’art contemporain seront conseillés et assistés pour les ventes en Europe ou à New York. Mais Paris ne verra aucune vente.

Par Elodie Palasse-Leroux

1999 : tandis que le marché français frémissait à l’annonce de l’arrivée tonitruante (alors considérée comme une menace) des célèbres auctioneers britanniques, Phillips était considérée comme rivale de Christie’s et Sotheby’s.
Phillips, de Pury et Luxembourg a le vent en poupe, et l’assurance tranquille des grands : LVMH détient la majorité des parts.
En 2003, le vent a tourné, LVMH s’en est allé, Simon de Pury et Daniella Luxembourg ont racheté les parts de la maison ébranlée. La campagne de restructuration est lourde, douloureuse, et bientôt Phillips disparaît de la scène parisienne.

Mars 2006 : non loin du centre Pompidou, il faut pousser la lourde porte de l’hôtel particulier sis au 28, rue Michel le Comte, pour rencontrer Léonie Moschner. Point de vitrine, ni d’accueil, le silencieux hôtel de Hallwyl ne révèle rien de la présence de Phillips en son enceinte. On traverse la cour majestueuse, aux petites calades disjointes. Jadis, la future Madame de Staël y vécut, chez son père, Jacques Necker, ministre des finances de Louis XVI.
Construit par Claude-Nicolas Ledoux, rien de moins ! Et par ailleurs le dernier vestige des hôtels particuliers que ce dernier construisit à Paris (ils furent détruits lors des campagnes de rénovation urbaine).

Un lieu prestigieux , soit, voilà qui correspond à l’image de marque d’une grande maison de ventes ; mais… dans le Marais ? C’est une surprise. Comme celle qui attend les visiteurs en pénétrant dans l’appartement qui abrite les bureaux de la firme, en étage : un espace très contemporain, spacieux, haut de plafond, et presque vide.

L’endroit ressemble à … une galerie d’art contemporain. Léonie Moschner s’amuse visiblement de l’effet produit. Transfuge de la très pointue galerie Thaddeus Ropac, elle a, depuis le mois de septembre, œuvré efficacement à faire de cet appartement un point névralgique, incontournable, pour les acheteurs de photographie et d’art contemporain. Après tout, le quartier s’y prête, les plus importantes galeries ne sont pas très loin… Et c’est le moyen de rappeler que Phillips, menée d’une main de maître par Simon de Pury, est devenue ces dernières années une référence absolue, depuis New York, dans ledit secteur.

Possédant un pied-à-terre à la même adresse, il cherchait un local dans le 8e arrondissement quand il a finalement opté pour ce pari osé. Osé, certes, mais bien réfléchi et non dépourvu de logique.
A défaut d’y organiser des ventes aux enchères, l’endroit accueillera donc clientèle et expositions (les œuvres qui seront ensuite vendues aux enchères à New York, à Londres…).
Avec l’aide d’Hervé Mikaeloff, consultant, collectionneur, et chargé de mission Arts plastiques à la Caisse des dépôts et consignations, Phillips travaille son image de marque : la référence d’une maison respectée, et l’audace du choix de la jeune création.

Mais qu’on ne se méprenne pas : Paris ne verra aucune vente, il faut insister sur ce fait. Les nouveaux prospects seront conseillés et assistés pour les ventes en Europe ou à New York.
Concurrence, marché trop peu mûr, problème du droit de suite : les raisons à invoquer sont nombreuses. Mais réelles : à Berlin, à Zürich, les artistes sont jeunes et chéris, les clients conquis plus aisément. A New York, point de droit de suite, et un marché franchement décomplexé. Car, bien entendu, à Paris, on évite la publicité, on ne fait pas état de sa (bonne) fortune. Pour les maisons de ventes, donc, organiser une campagne de communication autour d’une collection tourne vite à l’exercice de haute voltige.

La stratégie paiera-t-elle ? A New York, Simon de Pury n’avait pas hésité à installer sa maison de vente dans le Meatmarket District, alors à peine investi par quelques galeries téméraires. Pari réussi, comme celui d’attirer une nouvelle génération d’acheteurs et de collectionneurs, avec des moyens plus modestes : les ventes «Saturdays at Phillips» proposent d’acheter des œuvres (design, photographie et art contemporain) à partir de 500 euros. Un succès fulgurant, qui n’a pas pour autant fait fuir la clientèle fortunée.

Phillips a beaucoup d’atouts en poche : du savoir-faire, une déconvenue dont des leçons ont été tirées (une offre épurée, mieux ciblée), un franc succès outre-Atlantique, une bonne analyse (un flair ?) des marchés. Sans oublier le «petit plus» qui pourrait faire pencher la balance : la pointe d’audace qui manque peut-être aux concurrentes ?

English translation : Margot Ross
Traducciòn española : Maite Diaz Gonzalez

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