ÉCHOS
01 Jan 2002

2003.10.18. Lille 2004: un projet retiré à Claude Lévêque

Une mauvaise évaluation des coûts fait échouer le projet d’une commande adressée à Claude Lévêque pour Lille 2004, après douze mois de travail. Dans une déclaration diffusée par mail, l’artiste fait part de sa déception.

Texte de Claude Lévêque:

«A propos, de Lille 2004 Capitale Européenne de la Culure.
Ou comment «Northern light» devient «Dancer in the dark»
Contacté en secours en octobre 2003, Lille 2004 me demande d’intervenir pour la métamorphose de la Gare de Lille Europe.
Auparavant plusieurs propositions infructueuses leur avaient été proposées pour cette gare.
Sous pression d’aller assez vite je me prends au jeu un peu con du défi dans ce périlleux et impossible lieu semé d’embûches.
La SNCF nous laisse jouer au train et nous dresse son cahier des charges inflexible.

Je travaille avec mon précieux collaborateur Pascal Mazoyer qui sans l’aide de personne fournit «presto» la mise en forme technique des éléments et toute l’ingénierie de faisabilité et de sécurisation.
12 mois de travail
Et nombreux déplacements à Lille pour des séances de travail avec la SNCF où nous négocions fermement les risques d’interférences visuelles avec la communication gare et analysons scrupuleusement les points possibles d’installation des éléments.
S’en suivaient les mises au point sur le site avec Pascal Mazoyer et Gérôme Nox (création son) et mes concepteurs de Lumière (Philippe Quillet / nuit blanche) et de son (Bertrand Pelloquin / nuit blanche) sous l’œil bienveillant des Gentils Organisateurs.
Pas de régisseur spécifique du site et même pas un de ces magiciens de l’entertainment avec nous pour entrevoir, à ce stade de développement avancé, le coût de la commande qui nous était faite.
Mais les Gentils Organisateurs, soudainement prévoyants, oubliaient d’insérer «Northern light» dans le pré-programme des réjouissances de Lille 2004 Capitale Européenne de la Culture.

12 mois après de solides études produites avec ma petite équipe conquérante, au moment décisif de la mise en fabrication des éléments et du début des festivités, tout s’arrête net.
End, Ende, Fine, Fin!
Pas assez de financements et partenariat inexistant et cela malgré les tractations soutenues avec l’aide d’une ancienne ministre!
Les Gentils Organisateurs de Lille 2004 ont été particulièrement inconséquents pour évaluer, dès le départ, le financement d’une réalisation artistique dans un pareil lieu, exaltés par leurs incohérente mégalomanie.

Même si cette ambitieuse installation dans ce lieu public complexe et ultra sécurisé représentait immanquablement un gros coût, elle n’était qu’une infime partie du budget hollywoodien de Lille 2004 Capitale Européenne de la Culture.
Mais je me rassure en me demandant si le caractère un tant soit peu perturbant du dispositif en ce lieu très exposé, vitrine de cet événement, n’a finalement pas inquiété tous les petits prestataires de ce joyeux amusement culturel, à l’approche de l’inauguration. Ces Gentils Organisateurs assoiffés de pouvoir peuvent devenir très paranoï;aques.

J’ai pour ma part eu la faiblesse d’accepter cette proposition dans l’euphorie naï;ve de la réussite de mon expérience à l’usine Sudac pour Nuit Blanche à Paris, en 2002. Pourtant cette année-là, je repoussais tous projets à caractère évènementiel. Malgré cela, ayant déjà travaillé avec Jean Blaise pour l’ouverture du Lieu Unique à Nantes lors de fin de siècle 2000, j’avais accepté la proposition de Nuit Blanche, dans une totale confiance pour son engagement et son professionnalisme extraordinaires à mener à bien des projets poétiques relevant du défi.

Devant l’échec de cette entreprise, je suis contraint de me dire si ce n’est pas mieux ainsi, car je ressens de plus en plus le danger de voir les artistes d’art visuel utilisés comme produits culturels à des fins de divertissement et de loisirs au profit d’enjeux politiques nébuleux, au moment où les concepts marketing et communication ne suffisent plus. Ces velléités politiques sont évidentes à Lille où l’illusion d’une capitale culturelle pour un an devient une extraordinaire vitrine pour des pouvoirs politiques locaux en difficulté d’élection.
Et quoi de mieux en pleine crise sociale et économique que faire danser les citoyens pour mieux leur faire oublier les difficultés quotidiennes.

A l’avenir, j’espère bien être capable de me prémunir face à de tels enjeux conduisant à des échecs ou des réussites suspectes.

Nous avons encore en mémoire le flop et scandale financier de la Beauté en Avignon de la mission 2000.

«Northern light» devient «Dancer in the dark»

Merci de diffuser ce message.

Amicalement,

Claude Lévêque
Octobre 2003»

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