ÉCHOS
01 Jan 2002

2003.05.02. Arts à l’école: Lettre ouverte au Président

C’est par de vicieuses coupures budgétaires que le gouvernement est en passe de se débarrasser (discrètement) du plan Arts et Culture, qui répondait au principe d’éducation artistique pour tous. Des personnalités des arts et des lettres envoient une lettre ouverte au Président de la République pour mettre en valeur la nécessité de la poursuite des efforts pour l’enseignement des arts et de la culture à l’école; car il contribue aussi à luter contre la violence et l’incivilité, contre l’illettrisme et l’échec scolaire, contre l’ennui.

Monsieur le Président,

Votre engagement pour les Arts et la Culture est une constante de votre action, menée depuis le vote de la loi de 1988 sur les enseignements artistiques, qui porte votre nom et qui a posé le principe de l’éducation artistique pour tous.
Vos discours, prononcés en 1993 dans le cadre de Culture d’en France et en 1995 à la porte de Versailles, confirment cet engagement, engagement maintenu lors de la campagne des élections présidentielles de 2002. C’est pourquoi nous nous permettons d’attirer votre attention sur la situation en cours entre les ministères en charge de la Culture et de l’Education nationale.

Pourquoi faut-il que l’alternance politique s’accompagne systématiquement d’une remise en question plus ou moins radicale des actions entreprises par l’équipe précédente, même lorsque celles-ci font l’unanimité? Cette loi d’airain va à l’encontre de tout pragmatisme et frise l’absurdité lorsqu’elle condamne des projets longuement préparés, aussi bien par la droite que par la gauche.
Ainsi, le plan lancé conjointement par les ministères de la Culture et de l’Education nationale en 2000, prévoyait de développer progressivement dans les établissements scolaires, de la maternelle à l’université, les arts et la culture. Cette réforme, attendue de longue date et largement plébiscitée, vise à donner à la politique de démocratisation culturelle une dimension nouvelle. En effet, au-delà de certains progrès réels, l’accès du plus grand nombre aux arts et à la culture apparaît toujours fortement déterminé et inégalitaire, comme le montrent de façon récurrente les enquêtes menées par le ministère de la Culture. En ce sens, le développement des arts à l’école a su accompagner et accroître ce désir naissant en s’adressant à ceux-là mêmes qui jusque là en étaient largement exclus: les jeunes.

Le plan Arts et Culture, en mettant en place dans la France entière la réforme des programmes du premier degré (entrée de la littérature à l’école primaire, passage de 2 à 3 heures d’enseignement obligatoire de musique ou d’arts plastiques), l’augmentation du nombre d’ateliers artistiques (+15% en moyenne), trente mille «classes à projet artistique et culturel» (PAC) en 2001-2002 et en augmentant l’offre de formation destinée aux enseignants, a déjà permis à plus d’un million d’élèves d’aller de façon inédite à la rencontre des arts, des artistes, du patrimoine et de la création. Elèves, parents, enseignants, artistes, tous ont répondu présent avec un enthousiasme jamais démenti. Par son audace, le plan a aussi su faire sauter de vieux blocages chez les éditeurs, pour qui l’art devient désormais un domaine ouvert aux élèves et aux jeunes.
La première année a été couronnée d’un succès au-delà de toute espérance, et pourtant, nous apprenons aujourd’hui que les crédits de ce plan, qui devaient monter en puissance sur cinq ans, sont fortement réduits, voire supprimés et concurrencés par de nouvelles priorités certes légitimes mais non financées. A ce jour, aucune annonce ministérielle n’a été faite à propos de l’avenir du plan, et il y a lieu d’être inquiet quant au budget alloué et aux structures de mise en œuvre: priver d’impulsion et de moyens les arts à l’école revient à les condamner. Au nom de quoi? De la priorité absolue donnée aux autres luttes: contre la violence et l’incivilité, contre l’illettrisme, et même contre l’ennui? Nous ne doutons pas du bien-fondé de ces objectifs, mais nous croyons que les arts à l’école ne leur font pas concurrence. Nous savons d’expérience qu’ils constituent un remède pour cette école malade, une solution neuve et efficace.
Contre la violence et l’incivilité, les arts et la culture contribuent à créer une école de la tolérance, un apprentissage du respect de l’autre. Les règles de l’art sont aussi celles de la vie, allant à l’encontre des idées reçues et des replis communautaires. Vous l’avez compris, Monsieur le Président, en décidant d’accroître la place des arts islamiques au Louvre en réponse au malaise de la communauté musulmane en France.
Contre l’échec scolaire, l’éducation artistique réintroduit l’idée de culture générale, réduite à la portion congrue dans une école de plus en plus spécialisée et technicienne. Elle affirme la nécessaire transversalité des savoirs et développe à côté de l’intelligence rationnelle une intelligence sensible. Face au flux des images, faisons le pari qu’une véritable éducation artistique peut apporter des méthodes d’analyse et une distanciation critique.
Enfin, devant les récents constats et même confessions d’ennui sur les bancs d’école, pourquoi ne pas accepter enfin l’idée que la vraie réforme de l’école ne pourra se faire sans capacité à permettre de nouvelles synthèses, un nouveau discours porteur de sens. Les enseignants, les artistes et les professionnels de la culture ont montré qu’ils pouvaient proposer de nouveaux référents éducatifs pour peu qu’on leur en donne les moyens. Nous voulons relever un défi: captiver les jeunes plutôt que les rendre captifs.

C’est pourquoi les signataires de cette lettre, confiants dans votre volonté de poursuivre le développement de l’éducation artistique et culturelle, attirent votre attention sur l’urgence des mesures à prendre pour que les efforts entrepris depuis des années soient maintenus et poursuivis.

Les signatures peuvent être adressées à: artsalecole@voila.fr

Liste des premiers signataires de la lettre au Président concernant les arts à l’école:
> Ariane Mnouchkine
> Jacques Lassalle
> Jean-Claude Grumberg
> Alain Françon
> Michel Vinaver
> Philippe Minyana
> Robin Renucci
> Robert Cantarella
> Christian Schiaretti
> Robert Combas
> Charles Berling
> Jean-Pierre Jeunet
> Catherine Dolto
> Chantal Thomas
> Jean-Claude Schmitt
> Laurence Bertrand Dorléac
> François Lissarrague
> Antoine Gallimard
> Amos Gitaï;
> Claude et Françoise Frontisi
> Carolyn Carlson
> Sismo Designers
> Cherif
> Jean-Charles de Castelbajac
> Nicolas Frize
> Jean-Pierre Drouet
> Pierre-Laurent Aimard

Pour lire la lettre ouverte de l’artiste Claude Lévêque au gouvernement sur l’art à l’école: cliquer.

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