ÉCHOS
01 Jan 2002

19.03.07. Réponse aux propos d’Alexandre Adler contre l’art contemporain

courrier envoyé au directeur de France Culture par Platform et l’Association nationale des directeurs de Frac pour lui demander un droit de réponse suite aux propos diffamatoires sur les Frac proférés par Alexandre Adler et Marin Karmitz dans le cadre de l’émission Les matins du mercredi 14 mars 2007

Retranscription de l’intervention de d’Alexandre Adler à France Culture, 14 mars 2007:
[Alexandre Adler]:
«Prenons la peinture qui est un art un peu plus ésotérique, beaucoup moins populaire [que le cinéma]. Là, nous avons un système qui laisse beaucoup à désirer, c’est celui des, des, des, des, des [sic] Frac et des, des, des [re-sic] Fonds régionaux dans lesquels finalement un fonctionnaire qui n’est pas comptable devant une assemblée ou une commission, décide d’acheter ce qui lui plaît pour les musées nationaux. Alors je sais bien que le Louvre l’a fait, qu’il y a beaucoup de croûtes dans les sous-sols des grands musées qui datent du XIXe siècle, mais en tout cas c’est une méthode qui…

[Intervention du journaliste]. Il y en a aussi à Beaubourg, Bruno Racine nous le confirmait récemment !

[Alexandre Adler]:
«… il y en a partout, de toute façon l’erreur est humaine et le goût ne se fait pas comme ça et on ne peut pas non plus nommer les fonctionnaires dont on est sûr du goût, mais en revanche, il y a peut-être moyen de les contrôler c’est-à-dire d’infléchir, de faire qu’au moins les achats appartiennent à plusieurs écoles, à plusieurs façons de faire. Comment est-ce qu’on peut faire ça ?»

[Marin Karmitz, commençant par]:
«L’exemple de l’art contemporain est intéressant parce que ça fonctionne très mal…»

Courrier adressé au directeur de France Culture par Platform et l’Association nationale des directeurs de Frac
A l’attention de
Monsieur David Kessler
Directeur de France Culture
Radio France
116, av Président Kennedy
75220 Paris cedex 16

19 mars 2007

Message de PLATFORM, Regroupement d’employeurs des Fonds régionaux d’art contemporain et de l’ANDF – Association nationale des directeurs de Frac en réponse au propos diffamatoires de journalistes de France Culture et de Marin Karmitz

Monsieur,
Nous sommes scandalisés — et le terme est faible — par les propos d’Alexandre Adler et de Marin Karmitz proférés lors de l’émission des Matins d’Ali Baddou du 14 mars dernier.
Comment peut-on laisser dire de tels propos sur les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac) sur une radio de service public censée informer quant aux réalités des mondes culturel et intellectuel en France ?

La déclaration de Monsieur Adler selon laquelle les choix d’acquisition des Frac sont laissés à la seule responsabilité d’un « fonctionnaire » non redevable devant un conseil d’administration montre soit une sous-information manifeste soit un souhait délibéré de désinformer les auditeurs.

En réalité, les directeurs de Frac ne sont pas des fonctionnaires mais des contractuels au service d’une mission de service public : constituer une collection représentative de la création d’aujourd’hui, la diffuser sur tout le territoire régional, mener des actions de sensibilisation vers l’ensemble des publics et soutenir les artistes émergents. Ce sont des professionnels de haut niveau recrutés par des jurys indépendants. Leurs projets artistiques et culturels sont jugés et validés par des conseils d’administration composés de représentants de l’État, d’élus régionaux et locaux, de personnalités du secteur culturel, de collectionneurs privés et de membres de la “société civile”.
Ceux-ci débattent et adoptent à la majorité les propositions d’acquisition qui sont le fruit de recherche et de concertation de la part d’un comité technique, lequel est composé de quatre à sept professionnels reconnus du monde de l’art (au niveau national et international) et incluant parfois des représentants de l’Etat et des conseils régionaux.
Ce fonctionnement tant décrié par Alexandre Adler est par ailleurs tout à fait transparent et il concerne l’ensemble des Frac répartis sur tout le territoire français.
Nous regrettons d’avoir encore à rappeler que la politique d’acquisition mise en place a fait des collections de l’ensemble des Frac la première collection internationale d’œuvres contemporaines au monde, et il n’est besoin que de porter un minimum d’attention aux expositions en France comme à l’étranger qui les réunissent pour se rendre aisément compte de la qualité des choix qui ont été faits, et renouveler la confiance accordée à ce type de procédure comme de structure.

En parlant des Frac comme d’un «système qui laisse à désirer», la rédaction de France Culture montre non seulement sa très grande ignorance du fonctionnement des institutions culturelles en Région, mais aussi son désintérêt profond pour ce secteur artistique. L’art contemporain n’a rien « d’ésotérique», il est simplement méconnu sinon méprisé par l’ensemble des médias français (tel n’est pas le cas en Grande Bretagne où Channel Four produit des émissions entières sur la programmation de la Tate Modern).

En ce qui concerne les descriptions angéliques de Monsieur Karmitz sur l’attribution des aides publiques en matière de cinéma, nous aimerions préciser tout de même que tout ce qui touche au cinéma correspond à des budgets qui affichent au moins deux zéros de plus que les budgets dévolus à l’art contemporain, et que ses déclarations concernant les Frac dans un tel contexte ont quelque chose de profondément indécent.

Aussi sommes-nous scandalisés et choqués avant tout de voir monsieur Karmitz, dont nous respectons par ailleurs l’engagement pour un cinéma d’auteurs et de recherche, emboîter le pas des chroniqueurs de France Culture les plus rétifs à l’art contemporain et les moins objectifs dans leurs propos, et se permettre d’opposer gratuitement les disciplines culturelles.

C’est la grandeur des choix de la politique culturelle de la France depuis trente ans que d’accorder sa confiance aux créateurs comme aux professionnels du monde culturel, dans la subjectivité d’esprit éclairée, dans l’engagement singulier de personnes face à leur responsabilité intellectuelle.

En cela nous sommes surpris que Monsieur Karmitz considère plus hautement la subjectivité d’un Claude Durand, de la commission d’avance sur recette (qualifié de «gens de bons niveaux»), que celle des directeurs de Frac qui selon lui serait «une catastrophe». C’est là une déclaration diffamatoire que nous ne saurions accepter.

Ce faisant Messieurs Karmitz et Adler remettent en cause avec une légèreté et désinvolture inégalées cet acquis fondamental de la démocratisation culturelle qu’il faudrait pourtant défendre envers et contre tout, et cela dans l’ensemble des domaines de la création, sans distinction. Et nous sommes ainsi plus qu’étonnés que France Culture diffuse de tels propos sans commentaire ni correctif à l’encontre d’institutions qui n’ont plus à justifier de leur importance dans le paysage culturel français.
Ce sont là des déclarations d’autant plus graves et dangereuses que, comme le rappelaient pourtant les invités, la culture est reléguée au dernier rang des préoccupations politiques culturelles et sociales des programmes électoraux actuels, donc du devenir de notre démocratie.

Nous espérons qu’un rectificatif à ces propos sera très prochainement diffusé sur votre antenne.
PLATFORM, Regroupement des Fonds régionaux d’art contemporain et structures assimilées

ANDF, Association nationale des directeurs de FRAC

Copie à :
Monsieur Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la culture et de la communication
Monsieur Olivier Kaeppelin, Délégué aux arts plastiques
Monsieur Alexandre Adler, France Culture
Monsieur Ali Baddou, France Culture
Monsieur Marin Karmitz, MK2
Monsieur Arnaud Laporte, France Culture
Madame Manou Farine, France Culture

Correspondance
Eléonore Jacquiau Chamska, coordinatrice de PLATFORM

AUTRES EVENEMENTS ÉCHOS