Par Elodie Palasse-Leroux
La soirée du 15 novembre a été consacrée à la vente «Post-War and Contemporary Art» chez Christie’s. Clou de la vente, une œuvre-phare de la carrière d’Andy Warhol, un portrait de Mao, estimé entre 8 et 12 millions de dollars. Réalisée au début des années 1970, tandis que les États-Unis renouaient doucement les relations avec la Chine, elle revêt une importance symbolique car elle marque le retour du maître du Pop Art à la peinture, après des années de fascination pour le cinéma et les œuvres expérimentales filmées.
Les critiques se sont attardés sur l’œuvre, soulignant la «patte» du Warhol de l’époque: hardis coups de brosses larges, marqués, tout à fait visibles, et coloris forts (bleu, jaune et rose) du portrait. Warhol fit sensation lorsqu’il dévoila son travail, arguant sans rougir que, puisque «la Chine était à la mode, il devrait se faire beaucoup d’argent avec [ce portrait]» ! Provocation facile pour certains, génie visionnaire selon d’autres: Warhol avait, haut et fort, prophétisé la déification de Mao en Chine.
L’œuvre provient de la collection Daros à Zurich, également propriétaire d’autres Warhol tels 210 Coke Bottles (1962), Blue Liz as Cleopatra (un portrait d’Elisabeth Taylor dans les tons bleus, daté de 1963), et Atomic Bomb (1964). Hans-Michael Herzog, conservateur de la collection Daros, avait confié le portrait de Mao à Christie’s dans le but de dégager des fonds supplémentaires destinés à l’achat de nouvelles œuvres, notamment de Warhol, pour enrichir la collection en œuvres «de jeunesse» du maître.
Ses vœux auront été exaucés: le marteau s’est abattu après une rapide envolée des enchères, et le tableau a trouvé acquéreur pour 17,3 millions de dollars, bien au-delà des estimations (une reconnaissance pour Warhol, qui, au cours de la même vente, a suscité bien des convoitises avec un autre portrait, Orange Marylin, atteignant la somme de 16,2 millions de dollars).
L’heureux acquéreur du portrait du «Grand Timonier» a dévoilé son identité: il s’agit du milliardaire Joseph Lau, âgé de 54 ans. Ironiquement, cet homme d’affaires, basé à Hong-Kong, a fait fortune dans l’immobilier, particulièrement en Chine (il détient environ 61% des parts de la Chinese Estates Holdings).
Ce modeste achat ne devrait qu’à peine entamer la fortune de Lau, estimée par le magazine Forbes à 1,7 milliards de dollars (le plaçant au 451e rang des fortunes mondiales).