LIVRES

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La revue des arts Murmure rassemble pour ce hors-série consacré à l’esthétique cinématographique une série de textes sur l’image en mouvement, étudiant notamment l’œuvre de Stanley Kubrick et de Jean-Luc Godard ou la pensée de Gilles Deleuze.

Information

Présentation
Sous la direction de Suzanne Liandrat-Guigues
Murmure. Le Mouvement des concepts. Esthétique-Cinéma

«Cinématographie des concepts», par Suzanne Liandrat-Guigues

«La question du rapport entre le mouvement qui s’est introduit dans l’image à la fin du XIXè siècle (avec l’apparition du cinématographe, notamment) et un certain nombre de concepts particulièrement opératoires pour comprendre la sensibilité contemporaine (flânerie, flux, modulation, forme-bal(l)ade, ou mouvement de monde, etc.) est au cœur de ce volume. A propos de Matière et mémoire de Bergson, Gilles Deleuze relève que « l’introduction du mouvement dans le concept se fait exactement à la même époque que l’introduction du mouvement dans l’image » (Pourparlers). 

Comme l’ambition de cet ouvrage est d’envisager un passage du mouvement des images à celui des concepts, l’approche ordinaire du cinéma comme image en mouvement (ce que certains s’accordent à nommer son « faux mouvement ») rapportée à ses caractéristiques techniques, ne sera guère retenue. Loin de renchérir sur les lieux communs concernant l’époque contemporaine (qui ne cesserait de changer, machines et images confondues), cet ensemble de réflexions est pénétré de la conviction que le mouvement a pour site la pensée.
 
Certains des concepts qui sont apparus dans le discours de plusieurs penseurs (Benjamin, Deleuze et Guattari, Simondon, Schefer…) seront étudiés dans leurs implications propres ainsi que dans leur usage pour la compréhension du cinéma. D’autre part, un certain nombre d’analyses de film, exposent quelques idées de cinéma constituant une sorte de concept idiomatique (propre à tel cinéaste ou à tel film) ayant son dynamisme singulier (« Toute pensée est émise avec un rythme qu’elle ne découvre qu’en avançant son aventure », écrit Henri Meschonnic, Critique du rythme). Et le fait est que des films figurent ici (échantillon certes limité) en raison de leur mise en scène susceptible de laisser advenir des mouvements spécifiques et de leur particulière plasticité, vélocité, intranquillité ou instabilité.

Pour Alain Badiou il s’agit au cinéma non pas de la rencontre explicite d’une idée (ce serait plutôt le cas du théâtre) mais de son passage, de sa « visitation », presque de son fantôme. Organiser le « passage de l’idée, voilà l’opération du cinéma, dont les opérations propres d’un artiste inventent la possibilité » (Petit manuel d’inesthétique) si bien qu’ »un film est ce qui expose le passage de l’idée selon la prise et le montage ». Celle-ci n’y est pas donation (comme dans d’autres arts  et notamment la peinture) et l’on ne parlera pas alors de « forme sensible de l’idée » sans référer à l’informe de l’idée, autre manière d’entendre la formule godardienne « une forme qui pense ». Dès qu’il s’agit de mouvement, les images et les représentations vacillent.

Nombre de philosophes ont conféré à la pensée les allures les plus diverses depuis Nietzsche usant de la métaphore de la danse à la formule de Deleuze et Guattari déclarant que « le problème de la pensée c’est la vitesse infinie » (Qu’est-ce que la philosophie ?), quand il ne s’agit pas de fulgurations ou d’ »éclairs de pensée ». Autant de conceptions qui insistent à leur manière sur la pensée comme devenir ou comme puissance. On pourra vérifier dans les textes qui suivent que les concepts retenus, pris dans leur mouvement propre et en regard du mouvement qu’ils désignent dans leur appellation, visent principalement à réfuter la catégorie de l’identité et de ses avatars (la ressemblance, l’immuable ou le même, l’actuel) au profit d’un virtuel, d’un vertige, d’une non-effectivité, d’un passage. Les mots mêmes (durée, flux, nomadisme…) qui ont marqué la pensée contemporaine le soulignent. 
 
Composé d’interventions étoilées, et d’éclats d’analyse filmique, cet ouvrage « en mouvement » est issu pour l’essentiel d’une Journée d’étude donnée dans le cadre du Centre d’Etude des Arts Contemporains, de l’Ecole doctorale de l’université Lille-3 et de la MSH-nord qui ont bien voulu soutenir cette  publication.»

Diffusion : r-diffusion.