ÉCHOS
01 Jan 2002

15.12.06. Les responsables culturels dénoncent : «Les musées ne sont pas à vendre»

Françoise Cachin, directrice honoraire des Musées de France et ancienne directrice du musée d’Orsay, Jean Clair, ancien directeur du musée Picasso, et Roland Recht, professeur au Collège de France, dénoncent dans une tribune publiée dans Le Monde du 13 décembre l’exportation à long terme d’œuvres issues des collections françaises.

Par Magali Lesauvage

Parmi les caractéristiques des œuvres que possède l’Etat français, celle d’«inaliénabilité» est sans doute l’une des plus sacrées. En aucun cas, les collections des musées de France ne peuvent être cédées, qu’elles soient vendues ou données.

C’est une sorte de détournement de cette loi que dénoncent aujourd’hui trois historiens de l’art français importants, dont Françoise Cachin, ancienne directrice des Musées de France ! Le projet d’une antenne du Louvre à Atlanta, sous la marque déposée «Louvre» prend exemple sur la politique d’«exportation payante» et d’internationalisation des collections de la fondation Guggenheim, dont la maison-mère, à New York, a essaimé dans le monde entier et revendique aujourd’hui sa vocation d’«entertainment business».

Aujourd’hui les plus grands musées français, notamment le Louvre et le Musée national d’Art moderne, sont accusés de faire des «loan fees» (prêts payants) à des musées existants ou montés de toute pièce. Ainsi le Louvre prévoit-il de «prêter» à long terme au High Musem d’Atlanta plusieurs centaines d’œuvres (voir www.louvreatlanta.org), dont un certain nombre compte parmi les chefs-d’œuvres du musée, comme le Baldassare Castiglione de Raphaël , ou Le Jeune Mendiant de Murillo, œuvres qui font se déplacer les foules au Louvre depuis plus de deux siècles. En contrepartie, le musée, ou plutôt l’«Etablissement public» du Louvre, qui a signé avec l’Etat un «Contrat d’Objectifs et de Moyens» l’obligeant comme toute grande filiale d’une entreprise à des résultats, percevra 13 millions d’euros.

Françoise Cachin, Jean Clair et Roland Recht mettent en garde contre la «déviance que nul ne pourra bientôt plus limiter». Et de citer l’exemple d’Abu Dhabi, Emirat arabe comptant 700 000 habitants (chiffre égal à celui du nombre de visiteurs mensuels au Louvre…), où un futur site touristique sera doté de quatre antennes de musées prestigieux, dont un «Guggenheim» et un «Louvre», qui percevra cette fois-ci le jackpot, un milliard d’euros, en échange de la ponction d’une partie des collections françaises, et pas seulement de celles du Louvre. De même une annexe du Musée national d’Art moderne est prévue à Shangai…

Ces mesures vont, selon les rédacteurs de la tribune, à l’encontre du principe internationalement suivi de prêts gratuits d’œuvres, établis dans le sens d’une collaboration scientifique, et non pour un profit financier, fût-il au service d’un développement des grands musées. Dans ces conditions, qui prêtera aux plus «petits», et quel est le sens de l’attribution aux musées de crédits d’acquisitions d’œuvres, payées par le contribuable, si celui-ci ne peut y avoir accès ? En effet était-il nécessaire de rappeler que «les objets du patrimoine ne sont pas des biens de consommation».

Voir l’article de Françoise Cachin, Jean Clair et Roland Recht sur le site du Monde.fr

AUTRES EVENEMENTS ÉCHOS