ART | CRITIQUE

12 34 YF

PCéline Lepan
@24 Fév 2009

Bien qu’issu de l’Ecole de Leipzig, qui prône la figuration en peinture, Tobias Lehner propose un travail résolument abstrait, dans des œuvres de grand format où les couches qui se superposent,  et les graphismes confrontés à la désorganisation de l’espace génèrent des tensions.

L’exposition intitulée 12 34 YF tire son nom d’un composant chimique, une substance utilisée dans la construction automobile allemande; plus précisément dans l’air conditionné des voitures allemandes. Hautement nocif, et bien qu’interdit par le gouvernement européen, ce produit reste encore utilisé aujourd’hui par les constructeurs — en cas d’accident, il provoque de graves brûlures internes des muscles, des os, brûlures qui se répercutent jusque sur la peau.

Tobias Lehner poursuit son travail résolument abstrait où toiles monochromes côtoient la couleur.
Ses toiles gardent un caractère très graphique : toutes présentent ces formes géométriques qui se multiplient et se dispersent à toute la toile, en parsèment le fond. Le motif circulaire est un des motifs récurrent et renvoie également à la automobile.

Deux grands types de toiles sont présentées dans la galerie : les colorées, aux couleurs vives et contrastées, et les monochromes, tout en dégradés de gris. Mais toutes ont le même type de structure, de composition, de désorganisation chaotique.
Les motifs se chevauchent, les effets de matières s’accumulent, les couches successives semblent comme se déchirer pour laisser apparaître à chaque fois une nouvelle couche en dessous, et ainsi de suite jusqu’à atteindre une sorte de trame de fond. Cette trame, ce fond de toile, parsemé de motifs géométriques.

Les différents niveaux interagissent entre eux, mais l’œuvre apparaît comme si la couleur elle-même déchirait la toile, déchirait l’espace, dévoilant couche après couche. Elle se décompose, coulures après coulures, parsemant la toile, comme si, fondant sous l’effet d’un acide, chaque couche fondait pour révéler ce qui se cache en-dessous.

Les toiles nous font presque sentir l’effet de l’acide gagner la matière, la décomposer après l’avoir brûlée, comme si on la voyait fondre, les coulures zébrant tour à tour la surface de la toile, chaque couche se révélant sous les effets de coulure et de déchirure jusqu’à la couche ultime, jusqu’à la trame, jusqu’à l’essence même de la toile.

Et c’est là tout le propos de cette exposition où le peintre retranscrit avec les moyens de la peinture l’effet du 12 34YF, cet acide corrosif, si nocif pour l’homme.

Avec le propos de l’exposition, on retrouve le travail de l’artiste où l’abstraction est source de tension dans ses figures démultipliées et où le caractère graphique contraste avec l’apparence de chaos. Cette tension est mise en valeur par le subtil jeu de superposition des couches, où malgré tout la matière reste fine et homogène sans que l’épaisseur ne vienne accrocher ni gêner le regard ; comme si seule comptait la tension dans la toile.

Tobias Lehner
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 220 × 400 cm
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 160 × 280 cm
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 160 × 280 cm
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 230 × 170 cm
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 230 × 170 cm
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 200 × 160 cm
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 160 × 120 cm
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 160 × 120 cm
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 80 × 120 cm
— Sans titre (série 12 34 YF), 2008. Acrylique sur toile. 80 × 60 cm

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