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Y’a un truc qui masque l’horizon

L’exposition que consacre la galerie Jocelyn Wolff  à l’artiste suisse Valérie Favre propose de faire découvrir un aspect mal connu de son travail. Ses dessins de petits formats nous plongent au cœur d’un univers mythologique et intimiste. Dans ses paysages aux allures de décors évoluent des êtres hybrides, à la fois représentations imaginaires, figures mythologiques et personnalités historiques.

Entre inventions fictionnelles et références à l’histoire, Valérie Favre jongle entre les différents niveaux de lecture et d’interprétations pour créer une unité narrative. Un ensemble de vitrines courent le long des murs de la galerie et présentent une quarantaine d’œuvres sur papier à la manière des planches d’un story board.

Déployant ses dessins comme les différents plans d’un film, Valérie Favre a choisi de construire des saynètes qui se répètent à la manière d’une mise en scène qui se déploie au fil de l’exposition. Certains décors ou figures se retrouvent d’une composition à l’autre, d’autres se font écho, se contaminent de manière à tisser entre eux un lien narratif.
 
Mais il ne s’agit pas pour autant ici de répétition ou de redondance. Valérie Favre définit au contraire le rôle et les significations de chaque composition en suivant son propre scénario d’auteur d’images.
Ces mondes fantasmés, entre vision onirique et construction narrative, se matérialisent sur la surface du papier grâce à des techniques de collage, de photocopies, qui entraînent la récurrence de certains motifs et créent un rythme, une temporalité.

Valérie Favre réalise chaque dessin comme une unité, le découpe ensuite, puis le recolle créant ainsi différents espaces à l’intérieur de la feuille de papier. Comme au cinéma, plusieurs plans se superposent à la surface du dessin, transformant le support en un palimpseste et multipliant les significations. Mais les différents plans se succèdent aussi, permettant une lecture narrative du dessin qui se déroule dans le temps.

La temporalité et la dimension narrative de l’image cinématographique ont un intérêt toujours croissant dans l’œuvre de Valérie Favre qui conçoit l’espace de l’image comme le déploiement d’une narration fictionnelle.
Le coupé/collé lui permet d’éliminer la première image, de se réapproprier ses significations et de la reconstruire narrativement: c’est la technique du montage cinématographique qui consiste à couper les différents plans et à les ordonner, appliquée ici  à la surface plane de la feuille et à la temporalité du dessin.

Les compositions de Valérie Favre invitent le visiteur à entrer et à passer du temps dans un espace narratif construit et aménagé. La surface du papier devient alors le décor d’une aventure fictionnelle dont les différentes strates se révèlent au visiteur au rythme d’une temporalité qui est celle du théâtre ou du cinéma.

Comment transposer la temporalité d’une narration cinématographique à la durée de contemplation d’une image statique? Les techniques de composition, de collages et de découpages de Valérie Favre engendrent un temps de perception où l’idée d’une narration silencieuse du dessin s’oppose à l’idée d’une temporalité cinématographique ou théâtrale.
Avec le crayon ou le pinceau, elle raconte des histoires en inventant décors oniriques et personnages hybrides inspirés des thèmes qui lui sont chers comme la mort ou les insectes. Mais cette mythologie personnelle est loin d’être dépourvue de conscience sociopolitique.

La souffrance et la guerre sont aussi traités dans ce répertoire des angoisses du monde abordé avec toute l’ironie et la distance dérisoire d’une feuille de papier. Avec humour, l’artiste s’oppose aux faiseurs d’images «universelles» et propose une alternative personnelle aux narrations que fabriquent à la chaîne les grosses machines du cinéma industriel.

Liste des œuvres :
— Valérie Favre, Frauenplan, 2010. Encre, gouache, photocopie. 29,5 x 35,5 cm.
— Valérie Favre, Métropolis, masculin – féminin, 2010. Encre, gouache, crayon de couleur. 26 x 21 cm.
— Valérie Favre, Hippocampe, 2006. Encre, crayon. 22,3 x 32,7 cm.
— Valérie Favre, Ikarus Labo, 2010. Encre, aquarelle, gouache, feutre. 23 x 24 cm.
— Valérie Favre, Palette, 2010. Encre, crayon. 25,7 x 29,6 cm.
— Valérie Favre, D’après le Che mort, 2009-2010. Encre, gouache, crayon, feutre, sépia, tipp ex. 20,9 x 40,5 cm.
— Valérie Favre, Insectes, 2009-2010. Encre, gouache, feutre, sépia, tipp ex. 20,9 x 44 cm.
— Valérie Favre, Hemingway au bord de la roue, 2010. Encre, gouache. 23,5 x 29,7 cm.
— Valérie Favre, La Tour, 2009-2010. Encre, tipp ex. 32,8 x 29,7 cm.
— Valérie Favre, Oiseaux, 2010. Encre, aquarelle. 32 x 30 cm.
— Valérie Favre, Bonnard Kuss Modell, 2010. Encre, stylo à bille. 29,5 x 40,5 cm.
— Valérie Favre, Schwarzer Tod, 2009-2010. Encre, tipp ex. 19 x 21 cm.
— Valérie Favre, Selbstmorde/Suicides 1) Avec un seau d’eau, 2008-2010. Huile sur toile. 18 x 24 cm.
— Valérie Favre, Chevaux pendant, après la bataille, 2009-2010. Encre. 31,4 x 32,1 cm.
— Valérie Favre, Physique, 2009. Encre, tipp ex, photocopie. 21 x 29,6 cm.
— Valérie Favre, Saturne, 2009. Encre, aquarelle sur papier. 29,8 x 21 cm.
— Valérie Favre, Autoscootergarage, 2009. Encre, tipp ex. 21 x 29,7 cm.
— Valérie Favre, Konzert, 2009-2010. Encre, aquarelle. 21 x 29,7 cm.
— Valérie Favre, The method of experiment, 2009-2010. Encre, gouache. 21 x 29,7 cm.
— Valérie Favre,  La chambre anglaise, 2010. Encre, aquarelle. 21 x 29,7 cm.
— Valérie Favre, Gabrielle D’Estrées, 2010. Encre. 22 x 30 cm.
— Valérie Favre, Motocycliste, 2009. Encre, crayon à papier. 29,8 x 21 cm.
— Valérie Favre, Keller, Königin und Geist, 2008-2010. Encre, sépia, stylo à bille, tipp ex, photocopie. 28,1 x 21 cm.
— Valérie Favre, Kakerlake, 2009. Encre, aquarelle. 29,8 x 21 cm.
— Valérie Favre, Hôpitaux à oiseaux, 2010. Encre. 28 x 31 cm.
— Valérie Favre, Heiliger Georg und der Drache, 2009. Encre, tipp ex, gouache. 21 x 29,7 cm.
— Valérie Favre, Campement, 2009-2010. Encre, crayon, stylo à bille, photocopie. 25,1 x 29,6 cm.
— Valérie Favre, Octopussy, 2010. Encre. 29,7 x 21 cm.
— Valérie Favre, Dante, 2009-2010. Encre, gouache, tipp ex. 34 x 31 cm.
— Valérie Favre, Eros und Thanatos, 2010. Encre, photocopie. 27,5 x 30 cm.
— Valérie Favre, Menschenrechtlerinnen, 2009-2010. Encre, tipp ex, stylo à bille. 17,8 x 29,8 cm.
— Valérie Favre, Le Repos de la guerrière, 2010. Encre, crayon. 29,7 x 21 cm.
— Valérie Favre, Heinrich von Kleist, 2010. Encre, gouache, tipp ex. 34,4 x 29,7 cm.
— Valérie Favre, Promenade du cafard d’après F. Rops, 2010. Crayon. 21 x 21,9 cm.
— Valérie Favre, Der Henker, 2009. Encre, crayon à papier. 29,8 x 21 cm.
— Valérie Favre, Vater Berg Projekt, 2010. Encre, stylo à bille, aquarelle. 36,5 x 29,5 cm.
— Valérie Favre, Die Rettung von Saint Sébastien, 2009-2010. Encre, stylo à bille, tipp ex. 25 x 26,5 cm.