ART

Walden

PAleksandra Smilek
@18 Nov 2011

En s’engageant sur la voie d’une analyse de la perception, la peinture de Eva Nielsen parvient à générer un retour sur soi du spectateur en le rendant conscient de ce qu’il voit mais aussi de sa propre action de voir. Les tableaux prennent le regard du regardeur comme sujet à part entière du tableau.

En 2010, Eva Nielsen présentait à la galerie Dominique Fiat des peintures de paysages dont la vue se structurait violement au contact des architectures géométriques sérigraphiées sur ces mêmes toiles.
Aujourd’hui, l’exposition «Walden», empruntant son nom à l’œuvre littéraire de l’écrivain Henry David Thoreau, prolonge la pratique d’ Eva Nielsen et renouvelle son travail avec une série de diptyques.

Pensée comme un parcours, l’exposition commence à l’angle de deux rues que forme le diptyque Field, dont les deux panneaux ont été accrochés sur un coin de la galerie. Ce diptyque en coin vise à traduire en peinture le fait d’appréhender deux horizons distincts en un seul regard.

Plus loin, Babel appose une sérigraphie de la tour de Babel sur une peinture de paysage à la façon Léonard de Vinci. Lestée de références à l’histoire de l’art, la tour sérigraphiée est une représentation exacte de celle construite par Christian de Portzamparc pour le château d’eau de Marne-la-Vallée.

Si l’architecture figurant dans Babel dissimule une partie du paysage, les deux tableaux suivants adoptent un point une vue contraire, de l’intérieur de la tour vers l’extérieur.
Ainsi, le paysage d’Ellis Island (New York), sur laquelle toute construction est pourtant interdite, est oblitéré par le dense maillage des murs perforés de la tour de Babel. Eva Nielsen aborde la banlieue comme une césure radicale à proximité des mégapoles. La proximité et le détachement constituant la relation ambivalente entre la mégapole et sa banlieue.

En descendant de Babel on fait face à deux diptyques consacrés, l’un à un château d’eau, et l’autre à un silo. Tous deux sont construits de la même façon, à l’aide de deux panneaux présentant respectivement les trois-quarts et la moitié des bâtiments. Les deux parties d’une même architecture se recoupant ainsi, même à travers l’espace de mur de la galerie ménagé comme une césure spatiale, ou une respiration, entre les deux panneaux.
Une même architecture est ainsi offerte au regard en deux fois et en deux temps, accessible par reconstitution perceptive dans les aller-retour que l’on fait devant l’Å“uvre.

Eva Nielsen peint des architectures existantes de façon à privilégier la vision plutôt que l’imagination. Les trois tableaux de la tour de Babel vue de l’extérieur et de l’intérieur sont une prolongation de son précèdent travail qui interroge l’encadrement de l’Å“il par ses orbites et par l’architecture.

Les diptyques, quant à eux, tentent de suivre le nerf optique jusqu’au cerveau, de rendre conscients les efforts cognitifs qui aboutissent à reconstituer une image. Ainsi, les quelques centimètres de murs blancs séparant les deux parties de chacun des diptyques jouent le rôle d’espace de réflexion dans lequel se reconstitue l’image.
Eva Nielsen rend le regard du spectateur conscient et produit une pensée de l’œil.

Å’uvres :
— Eva Nielsen, Field, 2011.
Huile, acrylique et sérigraphie sur toile. 180 x 80 cm et 180 x 190 cm
— Eva Nielsen, Babel, 2011.
Huile, acrylique et sérigraphie sur toile. 200 x 230 cm
— Eva Nielsen, Ellis Island (1), 2011.
Huile, acrylique et sérigraphie sur toile. 200 x 150 cm
— Eva Nielsen, Ellis Island (1), 2011.
Acrylique et sérigraphie sur papier. 29,7 x 21 cm
— Eva Nielsen, Ellis Island (2), 2011.
Huile, acrylique et sérigraphie sur toile. 200 x 150 cm
— Eva Nielsen, Ellis Island (2), 2011.
Acrylique et sérigraphie sur papier. 29,7 x 21 cm
— Eva Nielsen, Zéro-Un, 2011.
Acrylique et sérigraphie sur papier. 50 x 65 cm
— Eva Nielsen, Tunnel, 2011.
Acrylique et sérigraphie sur papier. 50 x 65 cm
— Eva Nielsen, Perillos, 2011.
Acrylique et sérigraphie sur papier. 50 x 65 cm
— Eva Nielsen, Villeneuve, 2011.
Acrylique et sérigraphie sur papier. 50 x 65 cm
— Eva Nielsen, Nod, 2011.
Huile, acrylique et sérigraphie sur toile. 200 x 100 cm et 200 x 60 cm
— Eva Nielsen, Silo, 2011.
Huile, acrylique et sérigraphie sur toile. 200 x 90 cm et 200 x 60 cm

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