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Sublimation. La vie pendant la guerre

21 Avr - 28 Mai 2005

Stéphane Pencréac’h associe différents médiums, tels que la photo et la peinture, et diverses pratiques plastiques pour remettre en cause notre conception de la peinture. Par la juxtaposition de plans, il perturbe notre perception de l’espace. Ses thèmes touchent à la vie dans son sens large et aux passions humaines, sur fond de guerre aérienne

Stéphane Pencréac’h
Sublimation. La vie pendant la guerre

La galerie Anne de Villepoix présente une exposition consacrée au peintre français Stéphane Pencréac’h. Elle permet de découvrir les dernières œuvres qu’il a réalisées à l’aide d’une technique originale de reproduction, et regroupées sous le titre «Sublimation. La vie pendant la guerre».

Sublimation : Action de purifier de transformer en élevant.
Chimie : Passage de l’état solide à l’état gazeux sans passage par l’état liquide.
Psychanalyse : Transformation des pulsions inacceptables, occasionnant des conflits intérieurs, en valeurs socialement reconnues.

Les œuvres exposées réalisées en 2005 cherchent à renouveler le concept de représentation frontale. En mettant l’accent sur une logique formelle innovatrice, elles nous proposent une image en trois dimensions rendue ambiguë par le mélange des techniques, des points de vue et des images.

Dès 2002, Stéphane Pencréac’h commence à coller des photographies dans ses compositions. Utilisant la photographie comme un matériau, il cherche à la confronter à la peinture. Afin d’approfondir cette recherche sur l’opposition entre photographie et peinture, il a tout récemment adopté la technique de l’huile sur sublimation. Cette technique lui permet à la fois d’intégrer des images de plus grand format dans ses œuvres, mais aussi d’enchevêtrer et plus seulement d’intégrer des images sur l’espace de la toile. Cette interpénétration des images sur une même surface lui permet d’aller dans le sens d’une plus grande illusion.

L’artiste part d’une œuvre sur papier exploitant la plupart du temps des images photographiques. Ce premier collage constitue une matrice qui est à son tour photographiée puis numérisée. Cette image numérique est ensuite imprimée dans un format agrandi par un procédé d’impression industriel appelé « sublimation ». Pencréac’h peint ensuite sur ce support, une toile imprimée choisie pour son aspect soyeux, pour aboutir à une image complexe où plusieurs niveaux de lecture coexistent.

La juxtaposition des plans perturbe notre perception de l’espace, le mélange des techniques et des pratiques plastiques remet en cause notre conception de la peinture. L’imbrication des thèmes évoqués, en prise directe avec notre réalité quotidienne, nous donne à voir une peinture qui ne s’attache pas à traiter un sujet mais qui revendique la mise en scène des passions humaines, la vie, l’amour, le sexe, la violence, la guerre, la mort, sans vouloir porter de jugement et ne se revendiquant pas d’une quelconque morale. Ces images créées par le biais de moyens techniques et formels divers, aboutissent à la représentation d’espaces complexes. Ces espaces sont le lieu d’une peinture troublante et violente où se cristallise les recherches de l’artiste sur le fond et la forme.

Toutes les Å“uvres de cette série présentent en arrière-plan le thème de la guerre symbolisé par la présence d’avions de chasse. L’avion, à la fois icône évoquant de manière directe la guerre telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui mais aussi symbole phallique, permet à Pencréac’h de parler des thèmes qui lui sont chers – celui des passions humaines essentielles – et de regrouper cette série sous un même thème fédérateur : la guerre. La logique spatiale aérienne de certains tableaux, bien que ne mettant pas en scène directement des avions, fait néanmoins toujours référence à cet esprit guerrier. S’attachant à représenter ses contemporains et le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, Pencréac’h nous montre la guerre comme un élément sous-jacent et omniprésent.

«Là-dessus arrive Pencréac’h. Il est loin d’être le premier peintre à affronter la photo et il le sait, évidemment. Picasso, Beckmann, Dix, Richter, l’hyperréalisme : l’inventaire prendrait du temps. Il irait aisément jusqu’à l’époque la plus récente, de sorte qu’il pourrait apparaître d’une imprudence et d’une impudence absurdes qu’un jeune artiste aille se jeter dans cette affaire, quelles que soient son impétuosité et sa fièvre. Ses premières tentatives ont surpris par leur brutalité : Pencréac’h a commencé par coller des tirages photographiques sur la toile et à travailler avec eux comme avec la peinture à l’huile ou les encres qu’il aime à diluer.
Pencréac’h en était là, ce premier coup de force accompli, quand il lui est apparu qu’il pouvait en réussir un deuxième, d’une autre ampleur : que, d’une photo numérique, il pouvait obtenir un tirage de grande taille et, sur cette toile, peindre ensuite. Mieux même : qu’il pouvait combiner plusieurs photos en un seul tirage sur toile de manière à préparer l’intervention de la couleur et de la matière sur cette surface déjà imprimée. Ainsi expliquée, l’idée peut paraître d’une simplicité stupéfiante. Elle l’est. Mais nul ne s’y était risqué auparavant. On peut juger à cette remarque de l’exaltation qui s’est emparée de l’artiste. D’un coup, tout était possible. Plus aucune difficulté ne subsistait, plus aucune limite ne pouvait ralentir ou circonscrire son action. Les Sublimations – puisque tel est le titre qu’il a décidé de donner à cette première série d’expérience – n’avaient plus qu’à surgir. » Philippe Dagen. Extrait du texte publié dans le catalogue édité pour l’exposition.

Stéphane Pencréac’h
Stéphane Pencréac’h est né en 1970 à Paris, ayant choisi de ne pas faire les Beaux-Arts, il commence à peindre en 1992. Il organise l’exposition de ses toiles et participe, avec le soutien de différents artistes, à plusieurs expositions collectives jusqu’à la fin des années 90. Il est véritablement propulsé sur la scène artistique en 2001 avec une exposition personnelle intitulée « Arabitude » vaste projet composé de plusieurs séries et consacré uniquement à un ensemble d’oeuvres réalisées à dessein pour cette exposition. En 2002, Marianne et Pierre Nahon lui ouvrent les portes du château Notre-Dame-des-Fleurs pour une grande exposition monographique. À cette occasion une première monographie a été publiée aux Editions de la différence.

critique

Stéphane Pencréac’h, Fabien Rigobert

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