ART | EXPO

La Main numérique

14 Jan - 07 Mar 2010
Vernissage le 13 Jan 2010

L’exposition « La Main numérique » suggère que des artistes filment quand ils dessinent, dessinent quand ils filment… et, que dessiner/peindre ET filmer constituent une pratique contemporaine, unifiée et plurielle à la fois.

Alice Anderson, Virginie Barré, Stéphane Sautour, Laëtitia Benat, Blanca Casas Brullet, Hélène Delprat, Marie Drouet, Catharina Van Eetvelde, Vidya Gastaldon, Nathalie Rebholz, Camille Henrot, Marko Maëtamm, Mel O’ Callaghan, Lionel Renck, Anne-Marie Schneider, Valérie Sonnier, Fabien Verschaere, Thibaut Waré, Brigitte Zieger
La Main numérique

Une proposition de Dominique Païni
« Dessiner : avoir à choisir entre imiter un objet ou produire un signe. Soit évoquer un contour, un rythme, une texture que l’on perçoit en un point du monde, et laisser ainsi la forme qui naît sur la feuille entendre l’appel d’un fait de réalité qui transcende tous les savoirs. Soit tracer à partir de rien dans la perception – de rien, mais peut-être aussi bien d’une réminiscence de tout, eût dit Mallarmé – la structure parfois tout à fait abstraite qui n’aura de sens que par convention : sauf qu’elle donne à rêver que sous sa figure arbitraire elle a réalité elle aussi, autant sinon même plus que n’en a notre univers illusoire.

Dessiner, – décider. Tenir entre ses mains, puisque ces deux approches de ce qui est s’y combattent, la destinée de l’esprit. Et hésiter, cela va de soi ; ou se vouer à des partis ambigus, qui permettent parfois par des expériences complexes de mieux comprendre les enjeux et les risques, les illusions et la vérité de chaque voie. »

« Hésiter, cela va de soi » dit Yves Bonnefoy… Je me souviens d’un film documentaire consacré à Matisse, réalisé par François Campeaux, qui montrait les gestes du peintre au ralenti. Grâce à cette loupe temporelle, le film faisait découvrir, l’hésitation de la main prolongée par le pinceau, avant qu’elle ne
tombe sur le papier ou la toile, hésitation absolument indécelable à la vitesse normale de la perception humaine. Ce plan révélait « cela va de soi » et que « c’est se vouer à des partis ambigus »…

Lorsque j’envisageai cette exposition de travaux d’artistes à la frontière du dessin et de l’animation filmée, j’ignorais que j’allais autant, et heureusement, élargir le champ de cette proposition. Car en fait, des peintures et des jouets filmés sont accueillis – et pas seulement des dessins – ainsi que des films
enregistrant la réalité, bref… du cinématographe !

C’est la coexistence de travaux plastiques « faits à la main » et « faits à la machine », coexistence, sans dominante, chez un même artiste, qui a dirigé finalement mes choix. Cruelle loi d’une sélection qui n’a pas, par ailleurs, l’ambition de l’évaluation qualitative : seulement l’exploration d’une pratique
contemporaine des arts visuels. Il fallut en revanche varier la nature des travaux et ne privilégier aucune tendance au sein d’un si petit nombre d’artistes.
Pour ceux que réunit cette main numérique, l’animation du dessin n’est pas le critère exclusif de leur rapprochement. C’est plutôt la conjonction d’une « mémoire d’aveugle » – le dessin – et de l’hypervisibilité de l’enregistrement vidéo ou du graphisme assisté par ordinateur.

Certains animent pourtant (Thibaut Waré, Blanca Casas Brullet…), d’autres encore filment tout simplement leur virtuosité graphique (Marie Drouet, Marko Maetamm, Lionel Renck…) dans une perspective de découverte et d’illusion. D’autres enfin, reprennent les mêmes motifs « manographiquement » et « vidéographiquement » sans parti pris d’organiser une relation analogique ou conceptuelle, laissant ce soin au spectateur-visiteur (Mel O’Callaghan, Alice Anderson…).

Ces artistes proposent une relation inédite entre les arts libéraux – dessin et peinture – et les arts mécaniques – vidéo et l’ordinateur. C’est l’ancienne distinction médiévale entre les arts, réactualisée par l’invention numérique. En 2010, la réalisation d’un film ne suffit plus à définir un artiste comme cinéaste ou vidéaste. Un film peut s’intégrer désormais dans un ensemble de disciplines comme le furent jadis en parallèle peinture, dessin, sculpture, gravure, caricature et littérature chez un même artiste…

L’histoire des arts retient Victor Hugo comme un romancier-poète hors normes, mais aussi comme un peintre dessinateur visionnaire, précurseur du surréalisme. De nombreux écrivains aux XIXe et XXe siècles, ont dessiné tout au long de leur vie : Baudelaire, Roland Barthes, Jacques Prévert, André Breton, Paul Valery, parmi beaucoup d’autres, ont considéré cette activité vitale et nécessaire, bien qu’elle n’ait pas suffi cependant à les faire définir comme peintres ou dessinateurs en plus de leur activité principale d’écrivain.

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