ART | CRITIQUE

Iris Tingitana, la botanique du pouvoir.

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Oct 2007

Trouvant dans la botanique l’expression des formes de pouvoir qui s’exercent sur la ville de Tanger, Yto Barrada construit ici son travail photographique autour de la disparition d’une espèce endémique, l’«Iris Tingitana», en opposition à l’invasion progressive du paysage par des géraniums importés d’Occident.

Tanger, ville du Maroc frontière avec l’Occident. Un lieu où s’exerce la limite mais aussi les influences mutuelles. Du côté de l’Afrique, c’est le mode de vie européen qui séduit les Marocains vivant dans la misère et du côté de l’Europe, c’est le charme exotique de ces contrées ensoleillées qui attire le touriste argenté.

Pour se développer économiquement, Tanger mise sur le tourisme de masse et pour cela se métamorphose. Mais à force de vouloir ressembler à une ville de l’autre côté du détroit, avec des hôtels de luxe, des ronds-points et des géraniums resplendissants, la ville perd progressivement son identité et ses spécificités.

Le travail d’Yto Barrada s’articule autour d’un territoire et soulève la question des mutations de la ville de Tanger. Préoccupée par la destruction de son patrimoine paysager, elle conçoit la série «Iris Tingitana» autour de la disparition de cette fleur caractéristique de la région, mais aussi de sa résistance, son surgissement improbable sur des terrains vagues et des chantiers immobiliers. La disparition de cette espèce symbolise également d’autres spécificités marocaines qui, elles aussi, sont menacées par le développement économique de la ville.

Ainsi, l’on verra des photographies de chantiers où l’iris sauvage résiste encore à la poussée immobilière. Ce sont des îlots de mémoire paysagère qui sont autant menacés par les bétonneuses que par l’apparition impromptue de géraniums rose-fuschia fleurissant en toute saison la ville. Ceux-ci sont comme des pièces rapportées que l’on vient plaquer sur le paysage traditionnel à l’image de ce champ où les moutons viennent paître tranquillement.

Comme dans ses travaux précédents sur le détroit de Gibraltar ou son Gran Royal Turismo, l’artiste scrute les rapports nord-sud et le «désir d’occident» des populations du continent africain. Sa photographie est un art d’observation et de témoignage sur ce qui anime et transforme la ville dans laquelle elle vit, mâtiné d’un propos politique qui revendique la résistance par la préservation du patrimoine naturel.

Yto Barrada
— Oxalis Crown, 2007. C-print. 125 x 125 cm.
— Iris Tingitana, Installation, Photographie, Vidéo. Dimensions variables.
— Gran royal tourismo, 2003. Installation, Photographie et Vidéo. Dimensions variables.
— Etudes pour guerilla jardinière, Rue de Fes, Tanger, 2007. C-print sur diasec encadré. 100 x 100 cm.
— Tanger, 2007. Paysage Papier (Landscape Paper) n° 4. Dimensions variables.
— Veille d’une visite officielle de la ville. Boulevard de Paris, Tanger, 2007. C-print sur diasec encadré. 60 x 60 cm.
— Tanger, 2007. C-print sur diasec encadré. 60 x 60 cm.
— Ziaten, Tanger, 2007. C-print sur diasec encadré. 80 x 80 cm. Courtesy galerie Polaris. © Yto Barrada.

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