ART | CRITIQUE

Flash Forward

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@31 Déc 2002

Plastiquement et techniquement inspirée du dessin animé, une série de sujets peints — une secrétaire larmoyante, un basketteur, une grand-mère tchétchène, etc. — plaqués sur un support en verre, accompagnés de paysages-décors peints reproduits en impressions numériques, et d’une vidéo projection.

En s’appropriant les principes plastiques et les dispositifs techniques propres au dessin animé, Boris Achour nous invite à une promenade décalée à travers une série de sujets peints, découpés et plaqués sur un support en verre transparent, accompagnés de paysages-décors qui furent un jour peints mais qui sont ici présentés sous la forme d’impressions numériques de grand format montées sur châssis. Ces simulacres de diptyques fonctionnent par couples que l’on peut pourtant associer à notre guise, comme l’indique bien la mention «Un verre et un décor doivent être acquis ensemble quelque en soient leurs dimensions. Des formats différents peuvent être associés».

Ainsi, une secrétaire larmoyante qu’on dirait tout droit issue d’un épisode de «Blake et Mortime» sanglote devant un ordinateur portable, un corps de femme danse en boîte de nuit, un basketteur marque un panier, ou encore une grand-mère tchétchène au rictus de douleur est isolée, comme les autres, dans une prison de verre en deux dimensions. À côté, les peintures d’un grand paysage urbain, d’une piscine californienne ou encore d’un jardin public vides de tout habitant, semblent attendre le client.

Et le client arrive, dans la vidéo-projection présentée en fin de parcours où s’enchaînent les paysages sur lesquels ont été superposés les acteurs de cet étrange récit, le tout sur bande sonore alternant les bruits de halls de gare, de talkie-walkie, ou encore de chansons disco-pop : «Finally, it happened to me… this is the rythm of the night, oh yeah !».
Un personnage au teint jaune nous fait un sourire débonnaire lorsqu’il est remplacé par un camion plein de cadavres que l’on décharge comme de vulgaires sacs de pommes de terre. La grand-mère tchétchène apparaît sur fond de piscine, et les SDF voient passer une paire de jambes qui ne se retourne pas sur eux. Construite sur un rythme non aléatoire, cette vidéo est à considérer comme une sorte d’anticipation anachronique de deux univers chaotiques, un anti-flash back, comme le révèle le titre de l’exposition.

Même si la mise en exposition de Flash Forward frôle parfois le côté didactique de la démonstration, il n’empêche que ce travail est un tout, un lieu, un véritable paysage dans lequel le spectateur intervient presque comme l’une des figures isolées sur verre. On pourrait alors se demander comment l’artiste peut vendre ses «tableaux» et «images» à l’unité (même si l’installation entière est elle aussi en vente), car ces éléments disparates perdent un peu de leur sens s’ils sont appréhendés sans la vidéo qui les réunit. En dehors de cela, cette proposition de Boris Achour garde les qualités d’un travail à la fois ironique et grave qui sait ne pas tomber dans le panneau du message politiquement vulgaire.

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