DESIGN | CRITIQUE

F-Light Series. Standards et Icônes

PMarine Drouin
@14 Juin 2010

Dix petits êtres lumineux aux pattes tubulaires pour un écosystème inédit ! David Enon créé un nouveau standard de lampes, dressant le décor d’un design d’insectes capables de s’adapter aux mutations de l’environnement.

D’ici deux ans, la norme aura changé. Le bulbe à incandescence est trop gourmand en énergie. Nos lampes seront tributaires d’un nouvel appareil: une ampoule fluorescente plus économe, mince et tubulaire. L’occasion de rappeler la relation paradoxale du design aux standards, toute innovation se changeant en icône. Livré à l’industrie culturelle, le type devient archétype. Qu’arrive-t-il si, en deçà de l’invention formelle, la technique et la loi imposent une nouvelle base à la création?

Il semble que David Enon en saisit l’occasion pour opérer au stade originel, en anticipant de nouveaux modèles. Ses lampes ont le sérieux et la gaîté de ce fantasme du commencement: une allure à la fois drôle et schématique, radicale et ingénue.

Le designer reproduit les conditions de cette réinvention, cette sensation d’apparition pour un objet inédit. Sa création est ludique, indépendante et alerte. La petite série lui permet d’avoir une longueur d’avance sur les procédures industrielles, comme Catherine Geel l’écrit à propos de l’exposition en général: «la réaction suffisamment rapide aux changements techniques que, bizarrement mais très logiquement, l’industrie, pourtant légère du design, ne peut arriver complètement à suivre».

Le design indépendant n’hésite pas à expérimenter des formes élémentaires, que l’industrie ornemente pour un marketing soucieux de donner à l’objet l’identité prématurée d’un produit (littéralement conduit en avant, propulsé). Quand l’industrie offre à la demande l’illusion d’un monde qui s’emboîte parfaitement, l’ergonomie d’un David Enon est inattendue: celle de lampes dont le dessin continue la forme d’une ampoule… que la nécessité environnementale oblige.

Elles sont composées de deux tubes pliés en deux, fluorescents et rassemblés qui, gainés ensuite de blanc laqué, se désolidarisent selon les besoins du type dont ils forment la structure ou les pieds. S’y ajoutent un fil électrique, un câble aérien, parfois une base murale ou suspendue et enfin, pour tous les modèles, une douille comme point de transmutation entre un tube tantôt support, tantôt éclairage, et repère visuel pour un équilibre parfois tangent.

Cette simplicité permet à David Enon la déclinaison d’une famille qu’il appelle la F-Light Series, sinon pour donner un style high-tech décalé à des lampes plutôt frugales, peut-être pour évoquer le vol d’insectes ou d’oiseaux tant leurs inclinaisons rappellent un bestiaire gracile, les pattes agiles d’une araignée qui surélèvent la Portable Lamp, ou le cou d’une grue sur les pieds de la Floor Lamp.

Et face à l’ampoule nue qui réinitialise le standard de l’éclairage, ce sont les usages et modèles classiques qui reviennent introduire la fantaisie, le prétexte à la création. Hormis la Large Floor Lamp qui, par ses dimensions, rejoint la sculpture ou la maquette futuriste, les morphologies de ces luminaires font écho à des schèmes familiers: la chandelle face au miroir (Wall Lamp), la lampe de travail (Desk Lamp) ou le lustre (Hanging Lamp)… quand le luminaire ne vient pas évoquer un tout autre univers avec la Swivelling Wall Lamp, qui emprunte à la rotation d’une voile!

L’étude de David Enon ouvre une voie à la créativité que la norme appelle. Les possibilités sont infinies mais à un exercice de style, le designer a préféré souligner qu’un nouvel outil, au-delà de sa fascinante nudité, n’engage pas une relève immédiate. En filigrane, les icônes gardent la puissance d’une «persistance rétinienne», selon Catherine Geel, encore. Ce qui n’empêche ni l’invention, ni la mobilité: la Portable Lamp a trois pieds comme autant de postures, posée debout, sur un côté ou suspendue par l’une de ses branches…

David Enon
— Hanging Lamp, 2010. Suspension. Tubes en acier cintrés, peinture blanche époxy et matériel électrique. 58,5 x diam 60 cm. Edition ToolsGalerie de 8 exemplaires, 2 E.A. et 1 prototype.
— Large Floor Lamp, 2010. Lampe à poser au sol. Tubes en acier cintrés, peinture blanche époxy et matériel électrique. 50 x 130 x 130 x 130 cm. Edition ToolsGalerie de 3 prototypes.
— Portable Lamp, 2010. Balladeuse à poser. Tubes en acier cintrés, peinture blanche époxy et matériel électrique. 27 x diam 24 cm. Edition ToolsGalerie de 30 exemplaires, 2 E.A. et 1 prototype.
— Swivelling Wall Lamp, 2010. Potence. Tubes en acier cintrés, peinture blanche époxy et matériel électrique. 75 x 5 x 272 cm. Edition ToolsGalerie de 8 exemplaires, 2 E.A. et 1 prototype.
— Touch Lamp, 2010. Lampe à poser. Tubes en acier cintrés, peinture blanche époxy et matériel électrique. 39 x diam 18,5 cm. Edition ToolsGalerie de 8 exemplaires, 2 E.A. et 1 prototype.
— Wall Lamp, 2010. Applique. Tubes en acier cintrés, peinture blanche époxy, miroir et matériel électrique. 29 x 13 x 12 cm. Edition ToolsGalerie de 8 exemplaires, 1 E.A. et 1 prototype.

 

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