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Dans mon souterrain

04 Juin - 26 Juin 2010
Vernissage le 03 Juin 2010

S'inspirant du titre d’un fameux monologue de Dostoïevski qui ne trouve de bon équivalent en français, l'exposition réunit artistes russes et français autour de l'exploration du monde souterrain et autres cavités en tout genre.

Communiqué de presse
Jérôme Bouchez, Alexey Gagin, Anna Kuznetsova, Eliza Magri, Altone Mishino
Dans mon souterrain

Commissaire: Stéphane Moreaux
«Записки из подполья» est le titre d’un fameux monologue de Dostoïevski. L’histoire est connue: un narrateur sans nom — depuis son sous-sol — s’adresse au monde et à lui-même. Double incertain de l’auteur, il attise en une phrase infinie ce qui élève et abaisse, ce qui exhausse et anéantit, en une vertigineuse union des contraires.

L’œuvre traduite en français dés 1886 a connu une longue lignée de titres plus ou moins fidèles, vacillant au gré des goûts et des vicissitudes éditoriales: La voix souterraine, L’Esprit souterrain, Dans mon souterrain, Notes écrites dans le sous-sol, Le sous-sol jusqu’à la traduction la plus récente Les carnets du sous-sol.

Vladimir Nabokov, quant à lui, proposait un radical «Souvenirs de dessous le plancher». Tous ces titres égrenés témoignent du caractère insaisissable de «Записки из подполья», ce trou noir, cet objet totalement fantasmatique, totalement russe, demeuré irréductible et sans incarnation définitive en français. Face à cette absence de concordance, nous avons choisi de retenir le titre «Dans mon souterrain» qui s’impose ici comme un moment de cristallisation qui réunit des artistes russes et des artistes français dans une enclave loin de toute lumière du jour imposée.

Le Projet Incisions avait pris place en mars 2010 au cœur de l’hiver moscovite sous les verrières obturées de la Fabrika, usine d’aspect soviétique et toujours en activité.

Les Russes Alexey Gagin et Anna Kuznetsova en compagnie des Français Jérôme Bouchez, Eliza Magri et Altone Mishino prirent leurs marques dans cet habitacle chargé de frimas, sans jalons ni limites, en s’intégrant parmi les activités ouvrières du lieu.

Au seuil de l’été parisien, cette rencontre se poursuit à L’Aléatoire, entame sa descente dans un labyrinthe séculaire aux proportions bien plus resserrées: un souterrain ancestral se tenant tout près du fleuve où vient se jeter la Bièvre, une rivière aussi mystérieuse qu’occultée.

Les plateaux soviétiques des cathédrales industrielles soutenues par de robustes piliers métalliques présentaient des perspectives différentes de celles qu’offrent les caverneuses absides des tréfonds calcaires du Quartier Latin. Là où les formes pouvaient se poser massivement, s’étirer en hauteur et en longueur, imposer leur périmètre d’action, elles sont ici contraintes au rassemblement sous la voûte, dans un climat mat et tamisé. Les sons aussi résonnent différemment. Cependant, le même souffle des grands espaces peut affleurer d’un si petit endroit. La notion même de dimension chavire entre les renfoncements et s’abolit dans les cavités.

L’esprit du Sous-sol est perceptible en ces recoins. La postérité du texte dostoïevskien n’a que faire des interprétations qui voudraient le réduire à merci. Et cependant, «Записки из подполья» perpétue son état de lumière comme son éclatante noirceur.

Il est là, disséminé, dissous, infus, présent et insaisissable. Il est sensible chez Eliza Magri dans les stèles recouvertes d’un voile de tulle d’acier tailladé qui dessine ses ombres portées et décalque ses rythmes hérissés. On le retrouve dans les longs déroulés de faxes, reliquats souillés d’une bureautique obsolète d’Altone Mishino. Il transparaît dans les sombres silhouettes fondues sous le scapulaire des films d’Anna Kuznetsova: ces spectres d’un temps qui fait résurgence. On peut le reconnaître dans ces images noyées d’encre noire qui se reflètent mutuellement dans la mise en abîme d’une silhouette perdue au moment soudain où l’affect la retraverse et la transit.

Il s’immisce au sein des images mobiles de Jérôme Bouchez, dans cet engrenage mystérieux de globules tricolores tournoyant sans heurt dans la lenteur d’une rotation née de la seule circonstance; le blanc-bleu-rouge fondant sur le bleu-blanc-rouge en une éprouvante mise en forme onirique d’une douceur lancinante et qui offre toutes les variantes imaginables.

S’aventurer dans un souterrain, c’est avancer à tâtons et éprouver l’ivresse des sommets: ciels voûtés, oxygène raréfié, échos démultipliés, rudesse tactile au contact du minéral rocailleux.

Les corps vêtus qui vont s’y frotter en reviennent quelquefois saupoudrés, empoussiérés, constellés. Survient alors une sorte de précipité des plus aléatoires; de l’or ou de la cendre.

Vernissage
Jeudi 3 juin 2010. 19h-22h.

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