ART | CRITIQUE

Alix le Méléder

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

Alix Le Méléder a mis en place un processus pictural particulier pour se soustraire aux limites matérielles ou psychologiques, pour sortir de soi en un mouvement, dans l’espoir d’accéder à l’expérience pure, libérée de toute finalité…

Lorsqu’en 1993, Alix Le Méléder expose son travail à Villeneuve d’Ascq, on y trouve de grandes huiles sur toiles que la facture expressive et vivement colorée situent dans la filiation de Sam Francis ou Joan Mitchell. A l’aune de son travail actuel, on mesure quel revirement radical a été opéré depuis, ses créations s’inscrivant en complète rupture avec celles du passé.

L’arrachement progressif aux séductions de la peinture, pour une concentration plus aiguë sur l’acte créateur lui-même et le phénomène de projection du corps dans l’espace de la toile conduisent l’artiste à travailler, depuis cinq ans maintenant, d’une toute autre manière.
Cherchant à rompre le face à face traditionnel avec la toile, elle pose sa toile au sol, à l’horizontale et la fait pivoter après avoir donné un coup de pinceau sur la partie droite de celle-ci. Le procédé suit donc un mouvement dynamique d’ordre répétitif et rotatoire qui rejette la matière picturale à la périphérie de la toile sous la forme de quatre tâches à dominante rouge qui sont comme les extrémités d’une croix invisible.

Pas de titres pour ces tableaux énigmatiques, mais simplement des dates confirmant que ce travail obsessionnel relève de la quête acharnée, de la recherche sans cesse renouvelée d’expériences limites par lesquelles l’artiste dit chercher à s’affranchir de toute volonté d’expression.
Le caractère rituel de ces réalisations permet de court-circuiter tout désir de projection de soi dans le tableau pour canaliser l’acte pictural vers des enjeux plus larges, de l’ordre de l’énergie physique, d’une interaction sensible entre l’espace et le temps. Les tableaux se succèdent à un rythme très soutenu, déclinant des états psychiques variables à travers la qualité changeante de leurs tâches, parfois très denses, semblables à des plaies à vif qu’on aurait triturées avec insistance, ou plus aériennes, évoquant la queue d’une comète.

Par la mise en place de ce processus créatif particulier, Alix Le Méléder cherche à repousser des limitations matérielles comme l’espace de la toile ou d’ordre psychologique pour s’y soustraire progressivement, accéder à l’expérience pure libérée de toute finalité.

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