ART | CRITIQUE

Ils se sont tous suicidés

PLéa Bismuth
@14 Jan 2009

«Ils se sont tous suicidés», ce titre est une énigme : qui s’est suicidé ? pourquoi ce pluriel généraliste ? pourquoi se sont-ils tous suicidés? Quelles formes le suicide peut-il prendre en art?

Une grande toile noire invite à entrer dans l’exposition, sur cette toile, la graphie si reconnaissable de Ben et ces mots : «La mort est simple». Cette toile fonctionne comme un prélude, il s’agit ici de simplifier la mort, de la réduire à des mots et des images, peut-être pour ne plus la craindre…
C’est dans une véritable galerie des suicidés que l’artiste nous invite à déambuler. Ces suicidés, ce sont quatorze artistes et écrivains qui, pour des raisons diverses, ont un jour décidé de mettre fin à leurs jours. On y croise notamment Mark Rothko, Nicolas de Staël, Guy Debord, Diane Arbus, Pierre Molinier, Sigmund Freud ou Virginia Woolf, tous des artistes, écrivains et penseurs du XXe siècle.

Ben fait ici usage de la photographie, ce qui est rare dans son œuvre. Il mentionne d’ailleurs que toutes les images utilisées, qui sont autant de portraits desdits suicidés, ont été trouvées sur Google, et sont libres de droits. L’usage de la photographie consiste ici en l’agrandissement de telles images récupérées, de ces portraits qui sont parfois très connus, comme celui de Virginia Woolf par exemple.

Sous ces photographies, un petit panneau de bois transcrivant le nom du suicidé, les circonstances de sa mort et quelques détails sur son œuvre.

Citons par exemple : «Guy Debord s’est tiré une balle dans le cœur le 30 novembre 1994. Debord ne semble pas avoir donné d’avertissement à ses intimes et il n’a pas laissé de message d’adieu pour justifier son geste ni de note pour l’attester». Ou encore: «Virginia Woolf le 28 mars 1941 a rempli ses poches de pierres et s’est jetée dans la Ouse». Le constat est assez froid, événementiel.

La galerie de portraits se ferme par un autre grand tableau noir faisant écho au premier, sur lequel est inscrite la formule «La mort est partout». C’est comme si la boucle était bouclée. La mort est simple et en plus elle est partout…

On se demande quand même s’il n’y a pas ici comme une confusion entre la mort (universelle et partagée) et le suicide (acte subjectif et résolument délibéré). De même, il est difficile de dire pourquoi Ben s’intéresse-t-il à la question du suicide.

Très loin de Christian Boltanski traitant de la question de la mort dans ses œuvres, et dont Ben semble pourtant emprunter l’usage photographique, cette exposition laisse une impression étrange: Ben cherche-t-il à dire que le suicide est une sorte de happening artistique? Peut-on réduire l’œuvre d’un artiste à une mauvaise photo accompagnée de quelques lignes manuscrites?

Enfin, l’exposition propose également plusieurs murs composés principalement de textes. On peut y lire des mots d’ordre comme «Suicidez-vous», des blagues comme «La mort tue», des avertissements liés à l’exposition elle-même comme «Personne ne va aimer c’est trop triste»…

Ben
— La mort est simple,1999. Acrylique sur toile. 162 x 130 cm
— La mort fait peur, 1999. Acrylique sur toile. 160 x 130 cm
— Que penser de la mort, 1999. Acrylique sur toile. 97 x 130 cm
— La mort est éternelle, 1999. Acrylique sur toile. 97 x 130 cm

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