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You and I, Horizontal

PTimothée Chaillou
@12 Jan 2008

On est plongé dans un environnement enfumé et traversé par des rayons de lumières qui projettent des formes géométriques en mouvement. Exposition-expérience qui laisse le spectateur entre activité et contemplation. L’espace devient écran lorsque la lumière est sculpture.

Anthony McCall joue sur la notion d’apparition et de disparition; dans son travail comme dans son parcours artistique. Le voici présent après quelques années passées dans le graphisme qui l’éloigna de la sphère des galeries et musées.
Pour son exposition à la galerie Martine Aboucaya l’artiste nous offre la possibilité de (re)découvrir une partie de son œuvre passée (très peu montrée en France) avec un film et une slide installation, tous les deux datant de 1972 ; alors qu’une installation lumineuse créée pour l’exposition vient en rappel à ses fameuses solid light films.

Landscape for Fire est le premier film d’Anthony McCall. Sur un terrain d’aviation militaire désaffecté flanqué d’une ancienne tour de contrôle, des hommes habillés de blanc mettent à feu de petits barils d’essence placés de manière géométrique à l’image d’une grille de jeu.
On assiste à un ballet-technique, ces hommes sont présents pour les gestes qu’ils accomplissent : mise à feu des barils, enregistrement du son provoqué par celle-ci, élaboration d’une œuvre qui se frotte au land art. Par ces mimétismes, l’œuvre s’inclut dans une optique liée au process art, car le processus, l’instant de fabrication, n’est pas à étouffer mais à révéler.

Lorsque Yves Klein commença sa série des «Peintures de feu» (1961), il apprivoisa cet élément pour le faire devenir pinceau révélateur, entachant des toiles qui devenaient réactives ; McCall se sert du feu non pas comme outil mais comme finalité car le feu devient sculpture et point de repère.

You and I, Horizontal est un solid light film à l’image de la célèbre installation de l’artiste Line Describing A Cone qui fut elle-même la base de travail de la toute aussi fameuse œuvre de Gordon Matta-Clark Conical Intersept (l’artiste tronqua un immeuble par une forme conique à l’emplacement du futur Centre Pompidou).

Chez Martine Aboucaya, le visiteur se trouve plongé dans un environnement enfumé et traversé par des rayons de lumières qui projettent des formes géométriques en mouvement. Ces formes issues de l’épuration du minimal art ont une double réalité : celle de la forme visible en deux dimensions sur l’écran de projection, et la forme en trois dimensions obtenue par les rayons de la lumière devenue visible grâce à l’enfumage de la pièce.

L’espace entre le projecteur/lumière et l’écran n’est plus laissé vacant, il est tout simplement devenu sculpture. Mais c’est une sculpture qui apparaît presque aussi immatérielle qu’une sound sculpture car elle peut être parasitée, non pas par la voix, mais par une présence physique. L’œuvre n’existe que lorsque le spectateur se tient de côté profitant du spectacle en décalé, tout en connaissant son statut de parasite et d’acteur.

C’est en sortant de cet espace que l’on se rend compte des formes effectuées par les rayons, puisque Anthony McCall a enregistré sur papier des séquences de You and I, Horizontal, fixant en filigrane ce qui apparaissait évanescent : le regard était devenu médium.

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