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Yoknapatawpha, le comté de Faulkner, 1963-1965

24 Avr - 21 Juin 2014
Vernissage le 24 Avr 2014

L’œuvre d’Alain Desvergnes nous plonge dans l’Amérique profonde des années 1960. Il explore, par la photo, l’imaginaire Faulknérien et part sur les traces de ses personnages romanesques. Ainsi, il rend hommage à cette frange modeste de la société américaine, qui vit de la culture du coton et pour qui, cohabitation rime avec ségrégation.

Alain Desvergnes
Yoknapatawpha, le comté de Faulkner, 1963-1965

Il y a des météores dans l’histoire de la photographie, le travail d’Alain Desvergnes au début des années soixante, dans le territoire du Mississippi en est un.
Pourtant Alain Desvergnes ne touchera pratiquement plus à la photographie dans les décennies suivantes, se consacrant à d’autres tâches comme de reprendre la direction des «Rencontres Internationales de la Photographie» de Lucien Clergue pour le sixième anniversaire, avec pour fonction principale d’inventer, en plus du festival, un centre de Recherche Visuelle.
Ce centre, dont il a été le maître d’œuvre et maître d’ouvrage, est devenu en 1982 «Ecole Nationale» via le Ministère de la Culture, où il restera jusqu’à la fin des années quatre vingt dix.

Cette œuvre vieille d’un demi siècle surprend au premier coup d’œil par sa modernité rayonnante. L’intemporalité qui en émane saute aux yeux tant l’esthétique de l’imagerie contemporaine est présente dans ces documents. Et c’est en observant ensuite les costumes des personnages, les devantures des rues et les automobiles que l’on se rend compte du passage des années et que la contextualisation documentaire, bien que présente, ne fonde pas le projet premier de l’auteur et n’est pas responsable de cette impression immédiate de modernité familière.

On ne perd pas de vue que le travail d’Alain Desvergnes ne se résume pas à une transcription parallèle, ou pis à une illustration de l’œuvre du grand auteur américain; on peut aussi et encore le regarder sans faire référence à son inspirateur. Il tient debout seul, trouvant son armature dans ce portrait documentaire d’un territoire des Etats-Unis des années 1963-1965, comme traversé par un climat serein dans une époque pourtant si troublée, qui voit l’assassinat de Kennedy, quand Alain Desvergnes se rendait à une manifestation dans la cité. Après son départ, l’ouragan qui couvait se décharge avec l’élimination de Martin Luther King, la montée en puissance du Black Power et des Black Panthers et toutes les manifestations violentes des Noirs et de leurs revendications contre la ségrégation raciale pour leurs droits civiques.

L’agonie du sud a commencé, sa renaissance se prépare comme celle de cette jeune photographie documentaire; les Noirs font de la musique et des barbecues au son du blues déchirant de Fred Mac Dowell, la clameur des nuées sourd en apnée dans l’atmosphère des vieilles bâtisses de bois blanc, qui s’immobilisent dans la chaleur torride et le vieil homme en habit noir s’éloigne dans l’horizon du champ désert.

Alain Desvergnes arrive en Amérique à la charnière d’un monde nouveau, qui s’annonce dans les soubresauts encore latents qui mèneront à l’avènement de Barak Obama, pendant que Faulkner clôt dans son œuvre ce monde du vieux Sud et de sa grandeur passée. C’est le paradoxe de ces deux œuvres qui les réunit, sans qu’elles se soient rencontrées du vivant de leur auteur commun; prenant des directions différentes, l’une photographique se tourne vers l’horizon de la liberté des Noirs, l’autre littéraire achève des histoires tragiques et trépassées, qui hanteront encore bien longtemps les fantômes des Snopes, des Stupen, Gavin Stevens le procureur, du colonel Sartoris ou de Temple Drake, de Doc, et Benjy cet idiot plongé dans ce monde plein de fureur.
Gilles Verneret

Vernissage
Jeudi 24 avril 2014 à 18h30

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