ART | CRITIQUE

Works on Paper: the Saché Series

Vernissage le 06 Avr 2013
PIngrid Luquet-Gad
@10 Juin 2013

Prolongeant ses trois solo-shows à la galerie («Une pierre presque volante», 2004; «Labyrinthes», 2007; «Regard», 2011), les œuvres graphiques de Jimmie Durham se donnent comme la trace furtive de thèmes qui ont été développés de manière plus explicite dans d’autres versants d’une pratique radicalement polymorphe qui englobe écriture, sculpture, peinture, performance et vidéo.

«Works on paper: the Saché series» tire son nom de la résidence effectuée par l’artiste à l’Atelier Calder à Saché en 2007. Les quatorze dessins présentés, tous du même format horizontal, ont été réalisés au graphite ou au pigment sur papier. Ils modulent une variation autour de l’empreinte: sur le papier laissé blanc viennent s’inscrire les rémanences plus ou moins insistantes d’un poisson ou d’une corde; poisson encore frétillant, cordage saisi au vol, venus l’un comme l’autre s’abattre de plein fouet sur la surface vierge, un choc dont l’impact se mesure aux projections de matière qui en brouillent la lisibilité.

Le résultat n’est pas sans parenté avec cet autre type d’empreinte qu’est le photogramme. A ceci près que l’étrange fixité associée aux photogrammes cède la place, dans les réalisations de Jimmie Durham, à une furtivité fondamentale: elle indique que si la piste d’un quelconque rapport avec la photographie doit être poursuivie, c’est du côté de son caractère de trace qu’il faut le chercher, c’est-à-dire à un niveau plus ontologique que plastique.
On rejoint alors la rhétorique de l’origine, en tant qu’opposée à l’histoire, qui se traduit à travers l’usage récurrent de la pierre — il l’oppose à la sculpture, déjà trop chargée de discours et de connotations: monumentalité, stabilité ou permanence — comme ce fut le cas dans la galerie en 2004 à la galerie avec «Une pierre presque volante».
En ce qui concerne cette ontologie de la trace proche de celle qui a pu être développée au sujet de la photographie, on retrouve bien ici le «ça a été», ce caractère d’authentification dont Roland Barthes faisait la caractéristique principale de la photographie dans La Chambre claire.

Rappelons la volonté de Jimmie Durham d’un art anti-narratif et anti-illustratif au profit d’une reconnexion aux choses, à la matière, et aux actions sur celle-ci. Beaucoup de biographies on cru bon d’insister — insistance discutable — sur ses origines cherokee; il n’en reste pas moins qu’il a lui-même souligné un aspect de la langue cherokee de nature à venir éclairer ses recherches: «les noms [cherokee] ne sont pas des noms du tout, mais des descriptions d’action, de fonction ou de forme (ou les trois ensemble)» (Rendez(-) Vous Objects, 1993, p. 7). Décrire: tourner autour, décliner au moyen de la série; scansion a minima de l’espace par l’action, la fonction, la forme.

Contrairement aux autres langages plastiques, la photographie n’invente pas: elle se contente d’affirmer, mais avec une violence qui emplit la vue de force et saute au visage. Il en est de même pour «works on paper» de Jimmie Durham, qui sont au plus loin de rimer avec illustration: le pari est celui d’une forme qui fasse se rejoindre, ou plutôt rentrer en collision, le dépouillement du dessin et la force de frappe de l’empreinte.

Å’uvres
10 pièces
— Jimmie Durham, Sans titre («Atelier Calder» series), 2007. Graphite sur papier. 70 x 49,5 cm.
4 pièces
— Jimmie Durham, Sans titre («Atelier Calder» series), 2007. Pigments sur papier, cadre en bois. 70 x 49,5 cm.

AUTRES EVENEMENTS ART