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Vis-à-vis d’une toile «non touchée»

La toile «non-touchée» s’avère être un intéressant support au sens littéral et au sens figuré. L’enduit blanc, cette préparation de la toile, n’est-il pas déjà l’œuvre accomplie? Qu’en est-il de la possibilité de l’acte créateur après l’innommable des deux grandes guerres mondiales ? Opalka répond en inscrivant à la peinture blanche sur un fond noir une progression continue de nombres. À chaque nouvelle toile, 1 % de peinture blanche est dilué dans le fond noir jusqu’à peut-être atteindre un blanc matérialisant le temps qui passe.

— Auteur : Roman Opalka
— Éditeur : Jannink, Paris
— Année : 2006
— Format : 12,7 x 21 cm
— Collection : L’art en écrit
— Illustration : Noir et blanc
— Pages : 48
— Langue : Français
— ISBN : 2-916067-12-4

Présentation
La toile non-touchée, c’est la toile vierge dont le vertige confronte le peintre à ses interrogations et à ses doutes. Roman Opalka publie dans la collection «L’art en écrit» aux éditons Jannink un texte qui explique sa démarche. Il interroge l’acte créateur à l’aune d’une histoire de l’art ponctuée par des mouvements d’avant-garde qui remettent sérieusement en question la pertinence de cet acte.
Sa méditation prend également en considération l’événement des camps de concentration, point de rupture traumatisant pour l’histoire de l’humanité. «Après l’expérience de l’innommable des camps d’extermination, la création est-elle encore possible?» s’interroge-t-il en rejoignant, entre autres, Primo Levi.

Opalka a choisi d’inscrire son œuvre dans le champ de ses préoccupations en initiant à partir de 1965 un travail pictural ayant pour cadre l’existence de l’artiste lui-même.
Ce projet consiste à matérialiser le temps qui passe, à en épouser le caractère éphémère pour le manifester en inscrivant à la peinture blanche sur un fond noir une progression continue de nombres. À chaque changement de toile, Opalka produit une variation chromatique qui consiste à diluer 1 % de peinture blanche dans le fond noir. Arrivera ainsi, si le temps le lui permet, le moment où les nombres et le fond se rejoindront dans le blanc. Un blanc qui ne sera plus celui de la toile «non-touchée» mais celui obtenu à la suite d’un cheminement existentiel matérialisé par la vie d’un peintre.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Jannink — Tous droits réservés)

L’auteur
Roman Opalka est né en 1931 dans le nord de la France, de parents polonais. Il a vécu une majeure partie de sa vie en Pologne avant de revenir en France en 1977. Depuis 1965, il réalise un travail de peinture intitulé «OPALKA 1965/1 — ∞». Figure incontournable de l’art du XXe siècle, il s’est vu consacrer par le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris une importante exposition, intitulée Pour se confronter à l’infini en octobre 1992. Opalka a obtenu le prix Kaisering en 1993 et se trouve représenté dans les principaux musées du monde. En mai 2006, le Musée d’Art moderne de Saint-Étienne lui consacre une exposition.