PHOTO | CRITIQUE

Transmigrations : India Song & Villa Savoye

PAleksandra Smilek
@09 Nov 2011

Le travail photographique de Karen Knorr desserre les rigidités de la pensée en connectant deux éléments en apparence hétérogènes: l’animal sauvage dans de hauts lieux d’architecture. Deux éléments qui s’opposent et se rejettent mutuellement du côté des étrangetés grotesques.

La galerie Filles du Calvaire présente deux séries de photographies de Karen Knorr, «Fables» et «India Song», dont chacune se compose d’un animal empaillé placé dans une architecture prestigieuse. Sans que l’apparente incongruité entre l’animal et l’architecture ne rende impossible la cohabitation entre l’une et l’autre imageries.

L’animal empaillé affiche son altière présence au sein d’habitations fastueuses et de musées, de même que le mode de la fable ou du conte des compositions confère une humanité aux animaux. Par delà leur esthétique léchée, les Å“uvres sont traversées par un vacillement entre le caractère culturel et sauvage de l’animal, entre la naturalité et la théâtralité, entre la beauté naturelle et l’artifice esthétique…
On est ainsi sans cesse tiraillé entre différentes valeurs émanant de l’architecture ou bien de l’animal.

Les photographies d’oiseaux de la série «Fable», réalisées dans la Villa Savoye, sont ainsi animées d’un mouvement constant. Les volatiles sont placés face à une fenêtre, une porte, un horizon, ou bien entre deux escaliers. Dans cette de la Villa Savoye Karen Knorr souligne autant la dimension littéraire de l’animal que les nombreuses tentatives de l’homme à dompter la nature. Au-delà même du dressage, c’est la capacité humaine de créer, vivre de manière mondaine, construire, organiser, et même empailler, qui apparaît comme un passage du sauvage vers le culturel.

Le préfixe «trans» du titre «Transmigration» de l’exposition à la galerie Les Filles du Calvaire exprime un degré supérieur de migration. Il ne s’agit plus d’un simple nomadisme mais d’un dépassement radical en corps et en esprit. On pense évidemment à la réincarnation, sorte de transmigration des corps. Mais aussi au passage du genre animal au genre humain dans la série de photographies «Indian Song» dans laquelle des animaux sauvages prennent leurs aises dans de hauts lieux de l’architecture indienne…

Ainsi Fable à la Villa Savoye et Indian Song proposent toutes deux différentes nuances de jeu sur l’incessante fluctuation qu’il existe entre les concepts, les corps et les vies.

Å’uvres
Série Fable 2004-2008
— Karen Knorr, The Ramp (2). 122 x 152 cm
— Karen Knorr, The Roof top. 122 x 152 cm
— Karen Knorr, The Passage. 177 x 220 cm
— Karen Knorr, The Forecourt. 122 x 52 cm
— Karen Knorr, The Stairs. 122 x 152 cm
— Karen Knorr, The Ramp (1). 70 x 90cm

Série Indian Song 2008-2010
— Karen Knorr, The Courtyard Conference, Dungarpur Palace. 122 x 152 cm
— Karen Knorr, Conqueror of the World, Podar Haveli, Nawalgarh. 122 x 152 cm
— Karen Knorr, The Queen’s Room, Zanana, Udaipur City Palace. 122 x 152 cm
— Karen Knorr, A place like Amravati, Udaipur City Palace. 50 x 63,5 cm
— Karen Knorr, Flight to Freedom, Durbar Hall, Dungarpur. 122 x 152 cm
— Karen Knorr, The Peacemaker, Jaipur Palace. 122 x 152 cm
— Karen Knorr, The Maharaja’s Apartment, Udaipur City Palace. 122 x 152 cm
— Karen Knorr, Solitude of the Soul, Uadaipur City Palace. 122 x 152 cm
— Karen Knorr, Discussions concerning Rasa, The Phool Mahal Mehrangarh Fort. 122 x 152 cm

Bibliographie
— Karen Knorr, Signes de Distinction, Patrick Mauries, 1991, Thames and Hudson, Paris
— Karen Knorr, Fable, texte de Lucy Soutter and Nathalie LeLeu, 2008 Editions Filigranes

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