ART | INSTALLATION

Tongue/ mother-tongue

02 Oct - 23 Nov 2013
Vernissage le 01 Oct 2013

Le sculpteur américain Richard Nonas présente une sculpture-installation qui engendre un complexe de relations changeantes entre les modules de la sculpture et le visiteur, lui révélant sa propre position et soulignant les effets de son déplacement pour donner corps à une situation fondée sur la réciprocité.

Richard Nonas
Tongue/ mother-tongue

«Je me sers des objets pour créer des lieux. Des lieux puissants; des lieux complexes qui vous attirent et vous retiennent, mais qui vous troublent aussi. Ces lieux, en créant cette tension, vous ébranlent, un demi-pas en avant ou en arrière, et cela change tout.
Ce lieu unique, ici et maintenant chargé d’émotion —sa pression, sa poussée légère, oblique— est ce qui m’intéresse le plus. Au sol les lignes qui serpentent dans l’espace et au mur l’horizon des sculptures qui les entourent et les ancrent ne sont que mon outil. L’ensemble de ce monde étrange, neuf, en équilibre précaire sur tout ce qu’on connaissait déjà, c’est cela mon art.
Une semi-clarté sur une quasi confusion, voilà ce que je veux. Je veux une dissonance à peine perceptible, —la dissonance du lieu, la dissonance de l’art, je veux dire la dissonance d’un sens qui coupe, d’un sens conflictuel taillé dans un monde physique toujours inflexible.»
Richard Nonas, octobre 2013

Sculptures sans mots
Actif depuis le début des années 1970, Richard Nonas situe les fondements de son travail à la croisée du post-minimalisme et du Land Art. Durant les années 1960, Nonas travaillait comme anthropologue et ethnologue de terrain. En termes anthropologiques, pour être considérable, la différence de deux activités concerne avant tout les visées et outils discursifs mis en œuvre. Nonas revient fréquemment sur ce point qui fonde sa conception de la sculpture et confiait il y a quelques années:

«Je n’ai pas décidé d’être artiste. Je me suis retrouvé artiste, sans vouloir l’être, sans y penser. Je cherchais un moyen d’échapper aux limitations du langage. Je voulais pouvoir créer un monde, un monde susceptible d’intégrer ce qui m’intéressait le plus. Mais pas un monde artificiel. J’ai alors compris que le problème tenait à la spécificité du langage lui-même. Et j’ai compris que des objets, des objets physiques pouvaient constituer une solution, qu’ils pouvaient m’aider à communiquer des émotions et des idées d’une manière directe et très différemment de tout ce que le langage permettait. Une manière sur laquelle je puisse avoir prise et qui soit moins destructrice, de sorte que puisse être préservée l’intégrité du projet qui m’intéressait».

L’exposition chez Vidéochroniques, consiste en une seule sculpture-installation. Celle-ci procède de la mise en espace de cent-soixante-quinze modules équidistants, tous formés de deux éléments identiques (70 x 15 x 12 cm) en bois d’épicéa. Chaque paire offre la même configuration et orientation dans l’espace: un bloc est posé parallèlement au seuil et aux marches conduisant dans la grande salle dédoublée; l’autre, incliné, est posé perpendiculairement, en appui au sol et sur un côté du bloc précédent, de sorte qu’il matérialise la direction du spectateur pénétrant dans le lieu.

L’installation substitue un principe spatial résolument unitaire et témoigne d’une attitude de pensée typiquement américaine, dont on trouve déjà trace, en art, chez Pollock, Newman, puis chez les minimalistes et post-minimalistes. Reposant sur un sentiment puissant d’entièreté (wholeness), et visant à le restituer plastiquement, cette attitude sollicite une expérience holistique de l’œuvre. Cette dernière n’engendre pas moins un complexe de relations à la fois situées et changeantes, les modules révélant au visiteur sa propre position, soulignant les effets de son déplacement pour donner corps à une situation perceptuelle fondée sur la réciprocité.

Du reste, on ne saurait vraiment dire si l’installation est indifférente au lieu qu’elle «vole» ou bien si elle rend comme palpables sa superficie et volumétrie spécifiques. Une telle duplicité n’a pas échappé à Richard Nonas qui, dans l’un de ses textes, remarque que «chaque site et situation donnés, dans lesquels il songe à placer de la sculpture, sont déjà définis par son absence même». Si bien que celui qui souhaite éprouver et dire la présence-absence de sculptures sans mots rencontre bientôt une question inentamée. Inentamée, mais digne d’être partagée.
Fabien Faure

Vernissage
Mardi 1er octobre 2013 à 16h

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