ART | EXPO

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28 Mai - 24 Août 2014
Vernissage le 28 Mai 2014

Ann Craven reproduit des motifs pris sur le vif pour constituer un réservoir de formes de sa peinture. Ces premières réalisations sont réinterprétées, recadrées, redimensionnées dans l'atelier pour en faire émerger de nouvelles. Ce travail répétitif, empreint d'une grande intériorité spirituelle, donne une dimension inédite à l’idée de série et remet en question le caractère original de la peinture.

Ann Craven
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Choisir un ensemble d’Å“uvres d’Ann Craven pour faire une exposition semble a priori simple puisque toutes les Å“uvres découlent d’un procédé identique, sont traversées par des motifs récurrents et partagent un style immédiatement repérable. On se dit que nous pourrions faire le choix aléatoire de réunir les Å“uvres par sujets, motifs ou encore par formats. On se heurte alors à la quantité exceptionnelle d’Å“uvres produites par l’artiste et l’on se dit que la seule exposition valable serait de tout réunir, de tout montrer. Là encore, problème, l’entrepôt-galerie n’est pas assez vaste… Une fois cette première hypothèse écartée avec regrets, nous avons choisi de mettre en avant plusieurs fondamentaux du travail d’Ann Craven: le temps, la profusion, le système et l’attachement.

Une dimension fondamentale du travail d’Ann Craven réside dans sa capacité à s’inscrire dans le temps. Derrière chaque toile, on retrouve irrémédiablement les mêmes informations: année, mois, jour et même heure de réalisation des Å“uvres. Une tentative vaine de fixer le temps qui passe, de retenir des souvenirs qui s’évaporent, de ressentir à nouveau les émotions qui ont accompagné le pinceau. L’exposition réunit ainsi l’ensemble des Å“uvres peintes en 2013, accrochées dans leur ordre de production. C’est cette chronologie objective qui structure en partie l’exposition.

En ce qui concerne la profusion, l’exposition rassemble plus de 200 Å“uvres ce qui en fait la plus importante exposition à ce jour. Cet élément quantitatif ne peut être un argument critique, pourtant il permet de mieux comprendre l’intensité de son travail, l’abnégation et la gourmandise de l’artiste et donne une dimension inédite à l’idée de série, primordiale dans son Å“uvre.

La peinture est souvent une histoire de système et celui mis en place par l’artiste est redoutable. Ann Craven peint en série, des motifs pris sur le vif dans un premier temps comme ses lunes réalisées en extérieur dans son Maine natal. Ces premières Å“uvres constituent ce qu’elle nomme son laboratoire, soit un ensemble de peintures qui lui sert de réservoir. Ces peintures sont réinterprétées, recadrées, redimensionnées dans l’atelier pour faire émerger de nouvelles Å“uvres. La peinture utilisée est recyclée en bandes diagonales sur d’autres toiles et les palettes deviennent également peintures. Tout se recycle et crée une distance avec le sujet original tout en gardant sa mémoire. Une tentative de vider le sujet de son sens, de son histoire originelle, de le réduire à l’état de motif.

Malgré l’entreprise systématique et la reproduction infinie de sujets a priori sans qualité, une sympathie durable s’installe envers les Å“uvres d’Ann Craven. Un attachement persistant opère devant chaque toile, comme si chacune de ses fleurs, de ses lunes, de ses oiseaux, de ses arbres nous renvoyait à un amour passé, une amitié disparue, un être cher à qui l’on pense avec nostalgie et bienveillance.

«Ann Craven est peintre, fondamentalement. Elle peint la lune. Parfois aussi des oiseaux, des fleurs, des biches ou des bandes de couleurs diagonales. Elle peint 400 lunes, non pas comme une éphéméride, mais comme si la lumière pâle de ce visage éternel appelait des êtres chers, lointains ou disparus, dans une rêverie nocturne où le pinceau serait maître de cérémonie. Les Å“uvres portent silencieusement cette charge affective. Puis l’artiste recopie ces mêmes lunes, pour tordre le cou à la revendication persistante de la peinture qui veut toujours faire son originale. Ce travail obstinément répétitif est empreint d’une grande intériorité spirituelle, une façon d’harmoniser la pensée, le corps, la respiration, à une pratique rigoureuse où peindre devient un temps fort du rythme physiologique de la vie.« 

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