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Tight Sliding

20 Mar - 24 Avr 2004

Création d’univers paradoxaux mettant en péril le réel dont il est issus. Les objets du quotidien se transforment, imperceptiblement mais sûrement en formes, parfaitement réalisées, si semblables et si différentes à l’original. Un pare-bris de camion devient un écran géant années 60. La «surréalité» selon Eric Baudart.

Eric Baudart
Tight Sliding

«Je suis à la recherche d’un espace, d’un objet ou d’une image sur laquelle je puisse m’arrêter quelques instants. Plus exactement, je suis à la recherche de quoi que ce soit susceptible de m’arrêter, de me retenir plus qu’un simple laps de temps… (Pour cela) j’utilise ce qui est autour de moi, au plus proche de moi.» Éric Baudart développe ainsi un travail sur la production et l’apparition de l’image dans un réel contemporain transformé par les nouvelles technologies de la communication et de l’information. Il se sert notamment d’internet selon des «intuitions vagabondes», puis des logiciels informatiques, pour produire / obtenir — remanier — des images fixes ou animés qui ne sont ni naturelles ni artificielles, ni vrai, ni fausses, mais autres, différentes; et paradoxalement plus denses, plus profondes et plus «véridiques» que le réel qu’elles sont censées refléter. «Regarder une image, la regarder encore…lui ajouter, lui retirer, ou simplement l’ajuster, jusqu’à ce qu’elle soit libérée.»

Les oeuvres d’Éric Baudart nous parviennent après avoir ainsi traversée les différents filtres de l’esprit, de la technologie et de la matière ou diverses opérations de retournement: deux photographies en miroir se manifestent comme un territoire dévasté; un fonds d’écran comme un paysage hypnotique; un pare-brise de camion comme un écran géant de télévision ciraca années 60; un extrait de publicité comme un monde lunaire…
«Je souhaite suggérer, ou plutôt transposer la surréalité propre à la photographie dans une image en mouvement.» En exacerbant ce que la technologie du scanner puis de l’ordinateur attrapent des images du monde — image, et non pas photographie, puisqu’il n’y a ni appareil photo, ni film, ni développement, à peine une prise qui s’apparente autant à une radiographie —, Éric Baudart réalise des univers paradoxaux qui prennent au piège le réel et ses constituants autant que notre propre capacité à le déchiffrer aux travers de ses expressions ou de ses représentations. Et, dans cet au-delà des images, ce qui se retrouve ainsi mis en crise c’est notre rapport hystérique à l’objectivité que nous voulons y trouver ou y inscrire. Autrement dit, l’objectivité considérée comme l’aberration d’un lieu commun pour mieux en extraire des images, des situations ou des effets de réalité d’une qualité d’évidente immédiate et pourtant paradoxales, inconnues, inédites et presque impossibles, sur-réelles: un dégradé numérique projeté à l’échelle d’une fenêtre, d’un paysage; des bouts de gomme passés au scanner et restitués comme un territoire organique, tellurique, accidenté; une main rongée à l’extrême aplanie, adoucie, comme on le fait d’un visage d’un mannequin. Rien n’est moins vrai ni plus faux; tout est plausible, possible, parce que vérifiable, quantifiable. Mais ce qu’il nous faudrait retenir, au-delà encore d’une certaine fascination portée par la virtuosité tangible des procédés utilisés, c’est cet extrême limite, cette rugosité assumée dans l’état premier des œuvres d’Éric Baudart, et qui résiste à tout basculement dans un formalisme maniériste. Tout y est tel qu’il est, y compris dans sa simplicité ou son trouble, dans son imprécision ou son bégaiement, dans son inouï ou sa sidération. À nous de voir, à nous d’y voir, un peu plus clair ou un peu plus juste. C’est selon…

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