ART | CRITIQUE

Temps Morts, Embroderies

Pg_PicSaintLoup16Paysages02bLeBorgne
@12 Jan 2008

L’artiste suisse Donato Amstutz explore sous toutes ses coutures les potentialités offertes par la technique de la broderie. Artisanat traditionnel, la broderie n’en demeure pas moins capable de générer des images qui rejoignent la photographie voire même le cinéma. Au croisement des genres, les temps sont morts. 

Jouir, dormir ou mourir. Telle est la question. Les œuvres brodées de la main de Donato Amstutz saisissent l’œil tant par leur expressivité figée que par leur immobilité mouvementée. A coup de plans serrés, l’artiste reproduit des visages de femmes en abandon, endormies, expirant ou déjà mortes. Fils noirs sur tissus blanc tendus sur châssis, ces pièces manichéennes par leur facture n’en demeurent pas moins énigmatiques, logées à mi-chemin entre les vapeurs d’Eros et de Thanatos.

Donato Amstutz coud au point de croix des moments extatiques comme on grave au fer rouge d’atemporelles vérités : la vie et la mort sont étroitement liées. Ici, les paupières se font lourdes et les lèvres closes. Temps morts. Ces portraits se confondent en pointillés, tout comme les différentes époques desquelles ces derniers sont discrètement extraits. Un mystère plastique d’un nouveau genre se trame au fil de l’exposition : désirs aseptisés et agitation muette télescopent les genres et percutent les pupilles.

La perception décousue, l’on pourrait aussi bien penser à des reprographies warholiennes qu’à quelques citations cinématographiques, de chefs-d’œuvre ou bien de séries B. Détails de pied, de faciès, voire même de mouches se confondent également avec de froids clichés de médecine légale ou de sciences naturelles, âpres filatures d’instants mortuaires, sans morgues et sans reproches. Véritables natures mortes d’une chair jadis glorieuse.

De ces cadrages rapprochés aux audacieuses expressions, se distille un vif parfum d’instantané aux antipodes de la patience et de la persévérance induite par la laborieuse technique de la broderie. Mais de ces instants volés, il n’en est rien. Fragiles à la rigueur, ils se délitent au gré des points disséminés sur la toile, comme pour mieux pointer le destin mortel de tout être, à l’image des vanités montrées en exergue de l’exposition. Memento Mori ? In Arcadia ego…

Donato Amstutz
— Agonie, 2007. Broderies sur toile. 30 x 35 cm.
— Incognito, 2007. Broderies sur toile. 30,5 x 29 cm.
— Veille, 2007. Broderies au fil noir sur toile. 28,5 x 40,5 cm.
— Vanité, 2007. Broderies sur toile. 23,5 x 25,5 cm.
— Woman vanishing, 2007. Broderies sur toile. 29 x 30,5 cm.

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