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Temps mort

L’histoire composée par Gilles Rochier dépasse largement les bords étriqués de ce que pourrait nous dicter une fable banlieusarde. Temps mort résiste à la tentation du discours moralisateur.

Information

  • @2008
  • 2.
  • \.€
  • E50
  • Zoui
  • 4français
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Présentation
Gilles Rochier
Temps mort

Ce gars-là est un type comme les autres. Il vit dans les cités de Colombes avec sa femme et ses enfants. Il n’a pas de talent particulier, hormis peut-être celui de savoir dessiner et le courage de tout lâcher pour mener à bien son projet d’album BD. Alors quoi de mieux qu’une dépression pour commencer?

Brossée comme cela, l’histoire peut faire doucement sourire. Le cliché du jeune de banlieue que la vie n’a pas gâté mais pour qui tout finit par s’arranger. Un raccourci illustré de l’ascenseur social. Un conte contemporain pour les enfants d’aujourd’hui. Et la bande dessinée comme révélateur des possibles, comme dynamiteur de tous les obstacles. Temps mort se situe aux antipodes de ce type de discours.
Car la bande dessinée comme liant social, Gilles Rochier s’en amuse. Notamment lorsque le personnage central (re)découvre les ressources de l’échange en attirant à son carnet de croquis et un peu malgré lui des jeunes basketteurs tout juste croqués et intrigués par la présence confuse de l’auteur.

L’histoire composée par Gilles Rochier dépasse largement les bords étriqués de ce que pourrait nous dicter une fable banlieusarde. Temps mort résiste à la tentation du discours moralisateur. Il se place plutôt à la hauteur de ces personnages, de son personnage: un jeune père de famille au trajet complexe entouré de ses amis, de ses voisins qui ne comprennent pas son choix d’envoyer paître l’idée même de travailler.
Il opte pour la bande dessinée sans bien savoir pourquoi, ni si tout cela en vaut la peine. Un doute qui transparaît dans ses postures un peu molles, un rien désabusé, dans la présence fantôme de son oncle défunt, dans ses silences ou ses réponses lapidaires alors même qu’autour de lui les gens s’activent.

Le dessin de Gilles Rochier retranscrit cette indétermination chronique, alternant l’histoire de son personnage dans des vignettes resserrées, lui très souvent de dos en marge de ce qui l’entoure, et des plages de dessins beaucoup plus vastes, où le blanc de la feuille reste soigneusement aménagé. En fond, derrière cette mine traînante, les paysages verticaux des cités, la répétition lancinante des tags, le bruissement des planches sur les rebords du skatepark. Un dessin extrêmement précis et incisif qui n’oublie pas de rester léger, malgré l’épuisante réalité du parcours de notre héros. A l’image du récit, souvent drôle et taillé dans le vif du langage urbain.