ART | EXPO

Swing

12 Fév - 21 Mar 2010
Vernissage le 12 Fév 2010

«Swing» est un projet initié conjointement par Astérides (Marseille) et Mains d’Œuvres (Saint-Ouen). Les deux structures se sont rapprochées afin de mettre en commun sur le temps d’une proposition en deux volets, des préoccupations qu’elles partagent quant au soutien et à la diffusion du travail d’artistes émergents.

Ivan Argote, Pauline Bastard, Géraldine Py, Roberto Verde
Swing

Ivan Argote et Pauline Bastard se connaissent par coeur et rêvent de renouveau dans leur pratique, Roberto Verde et Géraldine Py cherchent l’exotisme et l’aventure. Les deux couples d’artistes résidents partagent un intérêt pour le détournement du quotidien et le recyclage des nouvelles technologies. Après un premier épisode à Marseille en novembre, les artistes se retrouvent à Saint-Ouen où de nouvelles oeuvres seront produites.

«Swing» est un projet initié conjointement par Astérides (Marseille) et Mains d’Œuvres (Saint-Ouen). Les deux structures se sont rapprochées afin de mettre en commun sur le temps d’une proposition en deux volets, des préoccupations qu’elles partagent quant au soutien et à la diffusion du travail d’artistes émergents. Deux expositions sont produites: l’une à Marseille en novembre 2009, puis l’autre à Saint-Ouen en février 2010. Des événements annexes conçus à l’initiative des artistes accompagneront chaque proposition (performances, projection de films, rencontres).

Ivan Argote

Un peu d’humilité et beaucoup d’humour: voilà ce qui caractérise l’art d’Ivan Argote. Jeune colombien établi en France depuis trois ans, formé d’abord au graphisme, il multiplie aujourd’hui les performances absurdes, avec la ville comme théâtre des opérations. Son coup d’éclat ? Avoir tagué les deux Mondrian (sous vitre) du centre Pompidou. Allègre parasite de l’espace public, vandale de petit chemin, ce jeune homme formé par Claude Closky et Guillaume Paris à l’Ensba a aussi tenté de distribuer des pièces jaunes dans le métro (personne n’en a voulu), transformé un simple trajet en making of (durant lequel, irrésistible, il «dirige» la foule comme un acteur consentant, de «Action !» au «Coupez !» final) ou réalisé une série de photographies où il mime les visages des mannequins qui trônent sur les publicités dans la rue.

Bref, il profite de la moindre faille dans notre quotidien pour tenter de faire sens, un micro-sens. En informatique aussi, il cherche à faire dérailler doucement les systèmes et les routines. Il s’avère ainsi habile à créer des logiciels absurdes: celui qui transforme les chiffres d’une horloge en leur équivalent en euros (aboutissant à des «il est dix euros et 25 centimes») ; celui qui transforme en bulles graphiques les performances des artistes best-sellers, en fonction de leur recette de l’année ; ou encore celui qui mêle tous les fuseaux horaires du monde dans un même décompte, en les reliant à des bleds paumés.

Qu’il pirate des blogs de touristes ou qu’il se fabrique de fausses lunettes qui ont l’air de gribouillages pour jouer dans les photomatons, qu’il place un piège à humain dans un terrain vague de Berlin ou qu’il fasse tourner une mappemonde au milieu des poulets dans une rôtisserie de Bogota, il rappelle dans son attention un brin stupide au réel les Actions-peu par lesquelles avait commencé Boris Achour, ou les interventions urbaines d’un Didier Courbot. Mais il y met plus de légèreté, et ce sens quotidien du surréalisme dans lequel excellent les latino-américains.

Pauline Bastard

Les enjeux radicaux du travail de Pauline Bastard s’articulent autour des contraintes matérielles du quotidien. Elle crée des œuvres aussi éphémères que puissantes, facilement identifiables, qui ressuscitent les choses familières et dépassent les frontières des genres avec un humour d’une grande originalité. Ses pièces se situent dans un espace interstitiel, entre la vie et sa représentation ; elles engendrent d’étranges rencontres et permettent de redécouvrir la simplicité du quotidien. Réalisées à partir des déchets dépourvus de valeur aux yeux de la société de consommation, ses petites sculptures se déplacent, tournent ou lancent de l’eau et viennent discrètement investir notre espace. Seuls les moteurs cachés diffusent un son mécanique et monotone qui renforce la timide présence de ces objets ordinaires, qui endossent alors un rôle aussi nouveau que surprenant.

Ces interventions, ces recyclages de l’environnement et ces constructions inutiles remettent en question la hiérarchie et détournent les valeurs traditionnelles de l’art et, dans un champ plus large, de la vie. L’utilisation de matériaux pauvres, affranchis de toute valeur économique, révèle la dimension humaniste de ces pièces, qui traitent de la réalité de manière décalée. Les derniers projets de Pauline Bastard détournent l’iconographie du monde informatique que nous côtoyons quotidiennement sans que nous en ayons toujours conscience.

En manipulant diverses applications, l’artiste compose avec les outils numériques de véritables petites saynètes. Dans ses vidéos, l’artiste réactive des fonds d’écran populaires pour repenser les notions de paysage et d’image en général, souvent remplacées par des schémas qui dissimulent leur véritable nature. Ce travail interroge le concept du tableau traditionnel en fixant une part de réalité encadrée et en y introduisant la notion du temps avec des souvenirs intimes, présentés sous forme de monologues. Dans ce moment suspendu de l’image idéale, les voix humaines viennent questionner les représentations traditionnelles. La série dans laquelle Pauline Bastard utilise le cercle multicolore en rotation – l’équivalent Mac du sablier de Windows – constitue une parodie de l’instant fatidique où l’écran s’immobilise. L’apparition de ce petit arc-en-ciel sphérique nous plonge généralement dans une frustration mêlée d’un sentiment d’incompétence. Le symbole du bogue roule sur la crête des montagnes ou se voit transposé sur le soleil couchant d’une photographie romantique: le nouveau langage international est ici mis en scène dans un burlesque virtuel empruntant des fragments du quotidien qui, sous une apparence débonnaire, n’obéissent qu’aux seules exigences de l’artiste.

Géraldine Py et Roberto Verde
Fascinés par le réel, Géraldine Py et Roberto Verde le conquièrent, le détournent, le décalent, le bricolent. Une ville s’active à la première pluie (Cartonville, 2009), une pelleteuse et un chargeur s’adonnent à des jeux enfantins et boueux (Jeux dans l’eau, 2009), des octodons deviennent musiciens (Allegro Moderato Ma Non Troppo, 2008).

Tels des metteurs en scène, les artistes organisent des univers et convoquent des protagonistes pour des représentations inattendues. Simplement, ils inventent des fables, en suscitant des interactions entre des éléments de genre différent. Le caractère de l’acte qui en découle, qui pourrait être qualifié d’un terme unique tant il se révèle de manière évidente (le peu, l’improductif, l’enthousiasme, l’approximation, l’émerveillement, etc.), amorce par ailleurs un cheminement de pensée vers des perspectives plus vastes.

Les œuvres de Géraldine Py et Roberto Verde font appel à des champs de confrontation au réel comme la philosophie, la littérature, la musique, le cinéma, la science ou l’économie, pointant des notions universelles que les deux artistes s’amusent à teinter subtilement, au gré des pièces, de grotesque, de fantaisie, de tendresse. Le printemps (2009) est constitué de deux morceaux de tuyaux, l’un en mouvement l’autre inerte, qui se rapprochent et se cherchent. Dans Edredons (2009), ce sont des coussins qui s’entrechoquent violemment et perdent leurs plumes. Avec humour et dérision, les événements que créent ces rencontres sont élémentaires et souvent improbables. Un seau essaie de cracher dans l’autre, sans jamais atteindre son but: le seau reste vide, une flaque se forme au sol (Seaux, 2007). Un petit pois s’envole et reste en suspension (La lévitation du petit pois (hommage à Roberto Verde), 2009). Une plaque de métal s’actionne dans un mouvement de bas en haut, produisant un immense vacarme lorsqu’elle vient se blottir contre le sol (Etendue de métal, 2009). Plus discrètement et sans bruit, les petits objets traînant dans l’atelier (ampoules, bouchons, cadenas, etc.) se rencontrent et s’allient (Fils de bave, 2009).

Géraldine Py et Roberto Verde utilisent l’appropriation, le détournement, la mise en action, pour produire des œuvres qui se déploient dans un environnement et une temporalité qui leur sont propres. À l’image du cadre associé au théâtre classique, elles concentrent dans leur structure les unités de temps, d’espace et d’action. Le mouvement s’y ajoute, celui qui tend à aller vers l’autre que soi, vers un interlocuteur consentant ; parfois pas. Il crée un lien entre les éléments (organismes vivants, objets statiques) en cela soutenu par le son qu’il produit. Issue de forces naturelles (eau, air), mécaniques, de dispositifs technologiques, la dynamique qui habite les joyeuses agrégations de Géraldine Py et Roberto Verde est à la fois performative et théâtrale. Les artistes usent des atours de ces domaines d’expérimentation pour proposer un regard, décalé et poétique, constamment renouvelé, sur la réalité.

 

AUTRES EVENEMENTS ART