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Swimming in the Black Sea

Philippe Guionie revendique une photographie documentaire autour des thèmes de la mémoire et des constructions identitaires. Pour sa série Swimming in the Black Sea, il s’est inspiré d’un roman de Jules Vernes qui raconte les tribulations d’un riche négociant turc. Il se détache progressivement de l’histoire romanesque pour constituer un poème visuel subjectif.

Information

Présentation
Philippe Guionie
Swimming in the Black Sea

En Turquie, les points cardinaux sont désignés par des couleurs: Ak, le blanc pour le Sud, Kara, le noir pour le Nord. Ainsi, la mer Méditerranée, mer blanche, se mue en mer Noire au niveau du détroit du Bosphore. Et, c’est précisément ce lieu que Philippe Guionie choisit comme point de départ pour Swimming in the Black Sea.

Réalisée entre 2004 et 2012, cette série s’inspire de Kéraban-le-Têtu, un roman de Jules Verne racontant les tribulations d’un riche négociant turc, Kéraban qui refuse d’acquitter une taxe imposée inopinément par le sultan pour la traversée du Bosphore et décide de rejoindre Constantinople en faisant le tour de la mer Noire.

Cette histoire romanesque est en filigrane de ce regard contemporain sur la mer noire. Le photographe s’en détache progressivement pour constituer un poème visuel subjectif aux couleurs acidulées. De la Méditerranée voisine, percent la douceur de vivre et les accents du Sud, mais cette «errance autour d’une mer que l’on ne voit presque pas» est si subtile qu’elle convoque aussi bien l’histoire avec un grand «H» que l’actualité plus contemporaine.

Les photographies en Géorgie ont été réalisées en 2012 dans le cadre d’une résidence photographique mise en place par le Tbilisi Photo Festival.

Cet ouvrage est publié en collaboration avec la galerie Polka (Paris). Il est accompagné d’un texte de Andreï Kourkov.

«Chaque été, dans mon enfance, j’avais le nez brulé, et la peau ensuite s’en détachait. C’était parce que nous partions tous en famille au bord de la mer, de la mer Noire. D’abord chaque année en Crimée, à Eupatoria, où la mer est la moins profonde au point qu’on peut y marcher sur trois cent mètres avec de l’eau seulement jusqu’au genoux, au pire jusqu’à la taille.

A Eupatoria, je me suis plusieurs fois perdu, parce que je ne savais pas que les rues pouvaient être circulaires ou semi-circulaires. Nous logions dans une rue circulaire, dans la partie ancienne de la ville, dans une maison que des Tatares de Crimée avait bâtie autrefois pour eux. Ils avaient vécu là presque jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis Staline avait ordonné leur déportation: en l’espace de 48 heures, deux cent mille Tatares de Crimée avaient été expédiés de Crimée en Asie centrale. Mais pour que la Crimée ne devînt pas un désert, le même Staline avait aussi ordonné de faire occuper les maisons des Tatares par des habitants de Russie et d’Ukraine déplacés par villages entiers.» (Andreï Kurkov)