ART | CRITIQUE

Soil Nursing

PFrançois Salmeron
@11 Juil 2012

A travers ses photos, vidéos et sculptures, Sigalit Landau compose un vibrant hommage au Néguev, région désertique du sud d’Israël. Elle nous invite à y suivre la cueillette des olives, œuvre des hommes et de leurs machines qui dénudent ces arbres symbolisant la paix et la Méditerranée. Une ode à la Terre nourricière en somme.

Il y a le bleu perçant du ciel. Il y a la terre blanche d’où se soulèvent de grands nuages de poussière. Et il y a les oliviers que les hommes ingénieux et leurs grondantes machines dépouillent de leurs fruits verts et noirs.
Les trois vidéos Four Entered the Grove, A Tree Standing et Masik projetées dans cette exposition, relatent le procédé de récolte des olives dans la région désertique du Néguev, au sud d’Israël. Ces œuvres nous plongent dans un paysage méditerranéen à la fois sec et éblouissant, en plein cœur des pratiques agricoles actuelles.

Des hommes abaissés tendent leurs mains vers un bout de tuyau depuis lequel ils recueillent de l’eau dans leurs paumes, et s’en aspergent le visage. Rare moment de calme, le temps d’un rafraichissement. Car dans ces vidéos de Sigalit Landau, tout est solaire, aride et éblouissant. Et les gestes habiles des travailleurs déployant des filets au sol, entre les troncs des arbres dont ils cherchent à récupérer les fruits, se déploient comme une chorégraphie bien apprise. Le mouvement pratique, technique et agricole, filmé par Sigalit Landau, se fait quasiment performance.

Après le geste expert des humains qui tissent des toiles entre les arbres, c’est au tour des machines de se mettre en branle. Des véhicules jaunes s’approchent des troncs, et ouvrent leurs pinces qui les enserrent. C’est à ce moment-là que le ton change définitivement et que le rythme des vidéos s’accélère.

Le vrombissement des machines constitue alors la bande-son des films, et nos oreilles saturent sous l’effet de ce bourdonnement continu. Notre regard, quant à lui, est assailli par une multitude d’éléments. Une pluie d’olives s’abat sous nos yeux. Les petites balles vertes et noires tombent au sol puis rebondissent de toute part. Les branches des oliviers, devenues carrément épileptiques, se balancent en tout sens. Les rayons de soleil transpercent de toute part les arbres, et la poussière se soulève et remonte vers le ciel.
Au milieu de ce tintamarre, les hommes reviennent dans le champ de la caméra, parés de masque pour ne pas respirer la poussière, et, flanqués de grands bâtons, ils battent inlassablement les branches des oliviers afin de venir à bout des fruits les plus tenaces résistant encore à l’action des machines.

Et puis là, enfin, soulagement… Le brouhaha infernal des machines s’arrête net. Fin de la frénésie. Les hommes récupèrent alors les branches arrachées qui gisent au sol. Puis ils tirent les filets regorgeant d’olives. La caméra de Sigalit Landau, placée à l’intérieur de ceux-ci, nous fait ainsi admirer le roulement des fruits qui forment comme des vaguelettes. Les filets des agriculteurs font alors écho aux filets des pêcheurs, et aux rouleaux des vagues de la mer.

L’exposition se déploie également autour de la série Madonna and Child, dont les sept sculptures en marbre déclinent le thème de la maternité. Après avoir été assaillis de secousses, nous avons alors l’impression de nous trouver dans un antre où trôneraient d’apaisantes idoles. Cette partie de l’exposition constitue donc un véritable contre-pied au rythme des vidéos.

Après le mouvement, le bruit et la fureur des machines, et le foisonnement des minuscules olives, ce sont des objets statiques et imposants qui se dressent devant nous, posés sur des piédestaux. Sculptures simples et paisibles épousant la forme d’un demi-nœud de Moebius, ces œuvres se font rassurantes et évoquent le réconfort ou l’accalmie. Car dans les plis visibles de la matière lissée et du marbre sculpté, le repos paraît enfin possible. Nous pourrions alors nous y lover, nous enrouler sur nous-mêmes et paisiblement nous assoupir. Comme le temps d’une sieste après un effort harassant, à l’ombre d’un olivier.

Å’uvres
— Sigalit Landau, Four Entered the Grove, 2012. HD Video. 3:21 min
— Sigalit Landau, A Tree Standing, 2012. HD Video. 1:25 min
— Sigalit Landau, Masik, 2012. HD Video. 6:06 min
— Sigalit Landau, Black Magic Madonna and Child, 2011. Black belgium marble. 32 x 44 x 53 cm
— Sigalit Landau, Sivec Madonna and Wild Child, 2012. Sivec white marble. 57 x 64 x 75 cm
— Sigalit Landau, Grey Rocking Madonna and Child, 2012. Black belgium marble. 56 x 41 x 32 cm
— Sigalit Landau, Green Fantastic Breccia Madonna and Child, 2010. Breccia green marble. 80 x 115 x 63 cm
— Sigalit Landau, Sivec Big Swan Madonna and Child, 2012. Sivec white marble. 57 x 94 x 56 cm
— Sigalit Landau, Estremoz Madonna and Child, 2012. Pink Portugal marble. 47 x 84 x 61 cm
— Sigalit Landau, Vain Portugal pink Madonna and Child, 2012. Pink Portugal marble. 60 x 72 x 72 cm
— Sigalit Landau, All StoRM / P.Y.F, 2012. C-print. 80 x 120 cm

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