ART | CRITIQUE

Sarira

PMarie-Jeanne Caprasse
@29 Juin 2012

Entrez dans le monde merveilleux de Skall. Un travail minutieux laissant libre cours à la fantaisie, où les objets du quotidien semblent muter, s’assembler et se transformer, comme s’ils étaient doués d’esprit.

Skall assemble plus qu’il ne sculpte, usant des objets comme d’une mine d’éléments aux infinies combinaisons. Parfois la composition est simple: un grand pan de verre coloré au bout duquel est fixée une vasque en poterie. L’effet est direct, le contraste des formes et des matières soutenu.

Mais à côté de ces pièces aux formes épurées, ce sont les complexes compositions aux accents kitsch et outranciers comme A Light Beyond Darkness, qui attirent l’œil. Leur réalisation peut demander deux à trois ans de travail à l’artiste. Là, c’est l’accumulation qui fascine. Non pas par le chaos qu’elle pourrait susciter mais par son ordre structuré qui apporte rythme et densité à la forme. L’utilisation récurrente de paillettes ou perles de verre et de plastique, quant à elle, habille l’ensemble de mille feux.

Et si enfiler des perles était un acte magique pour l’artiste ? Leur puissance d’évocation étant liée à leur pouvoir décoratif mais aussi accumulatif. Davantage, l’artiste compare son travail à celui d’un chaman, dialoguant avec les esprits. Comme dans la sculpture africaine, il charge ses œuvres, avec des projections mentales liées à son histoire mais aussi des objets réels, terre ou morceaux de matière, qu’il enferme comme une relique au creux de ses sculptures. La forme est alors porteuse d’une valeur de mémoire.

En détournant ces objets de leur fonction initiale, l’artiste transmute leur sens. Il convoque les objets sacrés d’Asie, d’Inde ou d’Afrique, prenant un malin plaisir à jouer avec nos codes, ceux du sacré et du profane. La contemplation de ces assemblages allie dans un même mouvement dévotion et dérision. Certaines pièces évoquent totems ou objets de culte mais les matériaux utilisés — brillants, lisses et aux couleurs pimpantes — loin de marquer le respect et le recueillement, font souvent sourire.

Cette fantaisie pourrait être de l’ordre de l’ironie, questionnant la valeur sacrée des œuvres d’art dans notre monde contemporain, avec en toile de fond l’idée de vanité des biens terrestres. Skall met ici en scène la question de la valeur des objets et celle de l’acte artistique, intégrant le temps de la création et celui de la transformation qui vient comme par magie donner une valeur sacrée à des objets de pacotille.

Å’uvres
— Skall, Alien Marilyn, 2011. Céramique et verre laqué. 150 x 90 x 14,5 cm
— Skall, Miroir de Lait, 2012. Verre laqué, porcelaine époque Louis-Philippe, ferrure
60 x 80 x 20 cm
— Skall, Nuées et Merveilles, 2011. Verre, résine, porcelaine, bois, feuilles d’or 24 carats, terre d’Angkor. 120 x 56 x 20 cm
— Skall, Blondi und Eva (Le masque du pêcher), 2012. Plâtre polychrome, perles de verre et de pacotilles, fil de pèche, petites traces de sang. 47 x 43,5 x 22 cm

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